Il a eu plusieurs vies, le rital. Et pourtant dans toutes ces vies, on ne lui aura jamais retiré son identité, sa particularité ; c'est un italien fier. Sicilien fier, surtout. Il avait horreur qu'on l'appelle l'Italien à son arrivée aux Etats-Unis puis il a vite compris que pour ces abrutis, Sicilien et Italien, c'était la même chose. Qu'ils n'étaient de toute façon pas foutu de placer l'Italie sur une putain de carte alors la Sicile ?

C'est un immigré. Il a déménagé pour sa capricieuse de femme. Il se voyait bien faire sa vie en Italie, avoir une putain de grosse famille, avec cinq à dix gosses, comme lui et sa propre famille, comme la famille de son épouse, des familles nombreuses, soudées. Oh, il n'est pas arrivé qu'avec son épouse aux Etats-Unis, ses frères et soeurs ont suivis. Des avocats, des cuisiniers, des hommes et femmes d'affaires, des commerciaux, les Russo ont toujours eu ce talent pour le blabla, pour enfumer les autres, leur raconter ce qu'ils veulent. Parfois juste pour emmerder le monde. Ce talent pour se mettre dans les ennuies aussi quand leur bobards ne prenaient plus.

Puis Charming est apparu comme la cible idéale, la ville idéale, le lieu où ils feraient leur vies. Emmener son épouse n'a pas été simple et à vrai dire, elle n'est pas restée là-bas très longtemps. Leur relation a toujours été complexe. Elle le trompait avec ses collègues, ses amis, pour l'emmerder. Il la frappait pour la punir et tout recommençait encore et encore. Un jeu malsain entre eux, elle le cherche constamment, il est trop stupide pour ne pas répondre et divorcer enfin pour avoir la paix. Ils n'ont jamais eu d'enfants, ce qui a rendu leur relation plus compliquée et a rendu Francisco au fil des années plus amer, plus froid. Il avait ce manque, cette envie d'être père.

Il a compensé. Avec le travail. Ce qui n'a pas été simple de mettre la main sur les mafieux, pourtant, les Russo connaissaient bien la mafia, ils avaient grandis dedans. C'était cliché, des siciliens mafieux et pourtant. Ils ont voulus laisser ça derrière eux en venant aux Etats-Unis mais ça ne les aura pas empêché de naître là-dedans, grandir là-dedans et finalement, vouloir y retourner d'une manière ou d'une autre.

Ces foutus irlandais se dénotaient du reste. Un patriotisme admirable en somme, les autorités qui ne semblaient pas dire grand chose ou pouvoir y faire grand chose. Proposer ses services lui aura valu des railleries au départ. Qu'est-ce qu'un italien foutrait avec eux ? Mettre sa fierté de côté n'a pas été simple mais le gain à la fin le valait bien. Francisco avait déjà tué. Il pouvait le refaire, il suffisait d'un nom. Il avait tué la première fois l'amant de sa mère à ses 14 ans, celui-ci la violentait. Curieuse ironie quand on voyait son propre couple mais avec la mama, c'est jamais pareil. Il n'avait pas hésité à trouver le fusil et exploser la tête de l'homme et les regrets n'étaient jamais arrivés. Un fil avait sauté dans sa caboche ou alors le fil n'avait jamais été connecté, il n'avait pas eu de remords. Ses frères et soeurs avaient débarrassés le corps, ça les avait plus que jamais soudé. Il avait bossé pour la mafia jusqu'à ses 25 ans avant de partir aux USA puis à Charming. Des choses horribles, qu'on ne raconterait jamais à ses enfants même pour leur faire peur de s'allier avec n'importe qui. C'est un de ses problème ; il ne culpabilise pas. Il ne sait pas.

Les choses se sont faites grâce à ça. Il était là au bon moment. Il servait d'oeil, d'oreille, de main, de tête. On lui trouvait un boulot comme il faut, comme on dit, comptable. Pas de vrai diplôme, pas de vraies études mais l'envie de se débrouiller, de survivre dans cette jungle et s'adapter à tout. Apprendre à créer de faux papiers pour les immigrés, de fausses identités, de faux passeports, de faux permis. Il était utile, avait le sens du détail et ne ployait pas face aux menaces des flics en tout genre, même sous la contrainte, même sous la violence physique, il ne ployait pas. On estimait pouvoir lui faire confiance, tout en vérifiant tout de même. Il n'est jamais qu'italien.