Deux paires

22 janvier 2020
@Vaughn I. Dixon

Les quelques jours écoulés depuis l’incendie n’avaient pas fait grand chose pour la calmer. Si le coup de feu qui l’avait manquée. La laissait - relativement - indifférente, Mel ruminait les événements sans y trouver la moindre réponse. Même pas le début d’une réponse. Et ça l’énervait. On s’en était pris à la ville, au siennes. Buddy avait été blessée, des gens étaient morts. Des citoyens lambdas pour la plupart, des gens qui n’y étaient pour rien, qui n’avaient rien demandé. Le commun n’y voyait que du feu, mais des croupières la savaient sous pression, prête à déverser sa rage contenue à la moindre faute - et se montraient de fait doublement attentives.
D’aucun pourrait y voir également le contrecoup de la balle manquée, mais il n’en était rien : pour ce qui la concernait, Mel ne se formalisait pas. Son heure viendrait, tôt ou tard, pourquoi s’en émouvoir ? Qui plus est, la rapidité avec laquelle les événements s’étaient enchaînés l’avait empêchée de vraiment réaliser. Ce n’était pas cela l’important. La balle prise par Cleo l’inquiétait bien plus, même si finalement, les nouvelles étaient rassurantes.

Quoi qu’il en soit, et en attendant que les Imperator trouvent des réponses - où éventuellement, leurs alliés de circonstance, mais Mel ne voulait pas vraiment y penser - la vie devait continuer. Pour elle, ça voulait dire faire tourner le Hands Off. Elle était donc en plein préparatifs pour ouvrir. Il n’était que 20h, elles avaient encore une heure pour tout installer, une heure pour elle pour tout contrôler. Ce qu’elle faisait, reine inspectant son royaume, quand son téléphone se mit à vibrer. Impatientée par cette interruption, elle inspecta l’écran, prête à envoyer paître l’appelant. Reconnaissant le nom de l’agent postée à l’entrée, elle fronça fugitivement les sourcils. Pourquoi appelait-elle ?
« Quoi ? »
« Quelqu’un te demande. » Mel fronça les sourcils une nouvelle fois.
« Qui ? » un silence se fit quand la femme interrogea le visiteur.
« Vaughn Dixon. »
Mel resta silencieuse un court instant. A l’autre bout du fil, l’agent de sécurité dardait un regard peu amène à Dixon : ce silence laissait présager d’un refoulement sans  ménagement. L’agent s’en délectait d’avance. Qui était-il pour présumer qu’il serait reçu de la sorte ?
Mel de son côté réfléchissait. Que pouvait-il vouloir ? Elle avait furieusement envie de l’envoyer paître. Mais deux choses la  retinrent : tout d’abord le fait que les Imperator s’étaient engagées dans une alliance avec le SAMCRO. Il était donc mal venu d’entacher leurs relations en manquant de courtoisie. D’autre part, elle ne pouvait occulter le fait que Vaughn et elle avaient partagé un moment particulier. Rien de bien romantique, mais ils avaient tissé un lien qui leur était propre.
Ravalant un soupir, elle donna sa réponse.
« Laisse-le descendre. »
« Pardon ?! » Répondit la vigile, stupéfaite.
« Tu m’as bien entendue. » Retorqua Mel, glaciale. Le message était clair : on ne discute pas les ordres.
« Entendu. » Elle raccrocha et ouvrit la porte pour Vaughn - et pas de bon coeur.
« Elle vous attend. »

En bas, Mel s’était accoudée au bar pour attendre Vaughn, le regard braqué sur l’entrée de la salle.
« Vaughn... » Lanca-t-elle en guise de salutation. « Que me vaut cette visite ? »

Deux paires

22 janvier 2020
@Vaughn I. Dixon

La mise en scène pouvait prêter à sourire tant elle était théâtrale. Elle n’était pourtant pas gratuite : Vaughn venait sur son terrain, en dehors des heures d’ouverture. C’était la marque d’une certaine familiarité et Mel n’était pas sure de vouloir la laisser s’instaurer. Le SAMCRO n’était pas vraiment un adepte de l’émancipation féminine, Mel ne voyait donc que peu de raisons de copiner avec eux. Cela dit, les circonstances s’imposaient à elle, et plutôt que le formalisme de son bureau - qui n’était d’ailleurs pas particulièrement attrayant : vu les locaux disponibles, son bureau était guère plus qu’un placard dans lequel elle recadrait ses équipes. Pour le reste, elle opérait dans la salle, à une table ou au bar. Comme en cet instant.
Elle regarda Vaughn descendre nonchalamment l’escalier, capta son regard immédiatement. Elle ne cilla pas, mais elle nota une nouvelle fois qu’il avait bel allure. Pas le beau gosse qui faisait se pâmer les damoiselles, mais un charme indéniable, rugueux, auquel on devait avoir envie de se frotter... les autres, hein, pas elle...

A la question sur les raisons de sa présence, Vaughn commença par une posture d’indifférence avant de répondre. Mel le laissa venir, feignant elle aussi de n’attacher que peu d’importance à la situation. Sa curiosité était néanmoins piquée, aussi eut-elle un mouvement d’impatience en l’entendant débiter des lieux communs.
« On a dépasser le stade des simagrées, non ? » et il sourit, le bougre, alors qu’il se rapprochait. Toujours pas de réaction. Pas question de reculer, pas question de jouer les biches effarouchées. Elle n’allait pas non plus aller dans son sens : Mel ne s’abandonnait pas si facilement, aussi charmant que fut le sourire. Qui plus est, le nouveau prétexte avancé pour venir au casino avant l’ouverture était quelque peu léger. Son expression se durcit.
« Voir si tout va bien ? Tu déconnes ? On s’est fait tiré dessus, le hall a brûlé, y’a eu des morts et Buddy s’est pris une balle ! T’es sur que t’étais là l’autre soir ? Ou alors vous n’avez fait que picoler depuis quatre jours ? »