Les trois dernières semaines avaient été particulièrement effervescentes. Bien que les Imperator furent habituées à un quotidien pour le moins agité, rapport à leurs activités, cette histoire de meth' bleue avait entraîné encore plus de remue-ménage que d'habitude. L'Imperator Council s'était réuni pas moins de trois fois afin de réunir les informations que glanaient les sœurs grâce à leurs contacts à travers la ville. A l'absence de réponses dignes d'intérêt s'additionnait la méfiance générée par le fait que cet abruti de junkie avait été arrêté sur leur territoire. Au grand dam de certaines, elle avait refusé d'aller à la rencontre de Kado et encore moins des Bithbeo. Le premier l'avait bien appelé pour en discuter, cependant, il s'était pris un revers comme Buddy savait parfaitement en donner : les Imperator n'y étaient pour rien, pas plus que les 40 Niners, et il devrait se contenter de ça, à moins qu'il ait plus de "preuves" qu'un pauvre type localisé au mauvais endroit, au mauvais moment. Fin de l'échange - ou presque.

Pourtant, ce soir-là, alors qu'elle trainait dans la poche de sa veste l'une des fameuses cartes au chapeau melon avec la superbe phrase « We are here » bonne à vous filer un ulcère, c'est bien accompagnée de @Kado O'Donnell et même, surprise de taille, Angus Kelly, l'Uncail des Bithbeo, qu'elle était entrée. Drôle de trio mal assorti que voilà. Si ses traits n'avaient rien exprimé de particulier durant l'allocution rébarbative de Monsieur le Maire, ceux qui la connaissaient auraient sans peine décelé la légère crispation de ses mâchoires. La tension était palpable. Et fut carrément catalysée par l'intervention de la bonne femme au collier de perles. Jusqu'ici discrète, restée debout au fond de la salle, adossée contre un mur, elle exhala un soupir accompagné d'un roulement d'yeux des plus loquaces. Pauvre conne pensa-t-elle, sa gardant bien de l'exprimer à voix haute. Heureusement, elle pouvait compter sur @Mel Carter pour dire ce qu'elle, devait taire. Un sourire malin étira ses lèvres, fière qu'elle était que ce soit l'une de ses soeurs qui cloue le bec autant à la bonne femme qu'à cet inutile de Melton. « La seule chose qui est condamnée ici, c'est le putain de bon-sens. » confia-t-elle à Kado, avant de dire plus fort, les mains en porte-voix : « N'ayez pas peur, Monsieur le Maire ! Vous pouvez le dire, tout le monde a le droit de savoir que c'est de la drogue ! » Une rumeur furieuse parcourut l'assistance. L'atmosphère s'embrasa un peu plus sous la révélation de la First Lady. Parlant de bon-sens, le sien l'avait-il déserté, pour qu'elle lance une chose pareille, aussi tôt, aussi vite ? « Qu'est-ce que tu fabriques, Budbrady ? » Angus la connaissait trop bien pour croire qu'elle l'aurait fait sans dessein ou but. D'ailleurs, elle n'accorda pas un regard à l'Uncail, celui-ci dérivant sur l'assistance enfiévrée.

Elle avait chargé ses soeurs d'observer le public, de guetter toutes les réactions. Il était fort probable que le ou les coupables soient parmi l'assistance. A se repaître du chaos qu'il(s) étai(en)t en train de générer.

La blonde s'était faufilée parmi l'assemblée nombreuse avec la discrétion qui la caractérisait - et plutôt étonnante, pour son quasi-mètre quatre-vingt. Cette capacité innée à faire oublier qu'elle arrivait quelque part ne la dérangeait pas outre mesure. Au contraire, c'était ainsi que Beverly pouvait le mieux faire son travail. Seule, généralement. Deux ans plus tôt, elle avait été retirée de l'équipe à laquelle elle était rattachée, pour être affiliée à temps-plein à l'agenda de @Thomas Walsh - enfin, c'était pour le côté officiel, l'agenda. Depuis, ses relations avec les autres Bithbeo s'étaient amoindries. Un fonctionnement qui lui convenait au point qu'elle n'était pas ravie de se voir, au nom de la "coopération", mise à la colle avec quelqu'un d'autre pour la soirée. Pas ravie. Du tout.

Toutefois, alors qu'elle rejoignait la Big Sister des Imperator, @Tweety Christmas, elle fit mine de rien. Ou plutôt, ses traits délicats ne trahissaient aucune expression particulière. Elle lui adressa un rapide signe de tête avant de piquer du nez vers son smartphone. Les chaises raclaient encore sur le sol tandis que la plèbe s'installait. Même lorsque le Maire débuta son allocution qu'elle jugea morne et creuse, elle ne leva pas le menton de l'appareil, pouces pianotant avec dextérité sur l'écran tactile. Ce fut tout juste si elle jeta un oeil à la première femme, guindée, qui était intervenue. En revanche, ses oreilles crissèrent aux moqueries de @Mel Carter, jusqu'à être totalement agressées par l'intervention de la First Lady. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites, montrant ainsi toute la stupidité de ce que cette révélation beuglée à qui voulait l'entendre lui inspirait. En cela, elle partageait le point de vue de @Llewyn Oswell, bien que l'autre blonde fut trop loin en cet instant pour qu'elles le réalisent.

Dès lors, les prunelles de la jeune femme voletèrent d'un membre de la foule à l'autre, sans s'arrêter sur quelqu'un en particulier. C'était comme si une alerte avait été donnée. On s'affolait. Elle voyait des mains sortir des sacs et autres poches de veste leurs propres cellulaires. Et elle n'était pas suffisamment équipée pour intercepter tous les signaux qui en émanaient. « L'information n'était pas censée filtrer. » lâcha-t-elle tout à coup. C'était la première fois qu'elle s'adressait à Tweety directement - enfin, tout court. Qu'importaient leurs très probables divergences d'opinions, n'avaient-elles pas reçu les mêmes ordres ? N'étaient-elles pas supposées travailler ensemble ? « Je peux traquer les sms. Réseaux sociaux ? » Sûre. Lapidaire. Son regard s'attarda dans les ébènes brillantes de la Big Sister. Chose fort rare pour être notifié.

Il y a un nouveau joueur en ville, et cela n’est pas du tout du goût de l’Althair. Lui qui aime connaître les mains de tous les participants, ainsi que le prochain coup de ses adversaires se retrouve avec trop d’inconnues pour que l’équation soit à son goût. Tellement qu’il a du, avec l’appui d’Angus, convenir qu’ils ne pourraient s’en sortir seuls, pour cette fois, et proposer une alliance, momentané, entre les trois instances les plus puissantes de Charming. Un effort qui lui a coûté, cela va sans dire, surtout en se retrouvant à cette réunion flanqué de nuls autres que @Judas Hartley et Adaluz. Ils ne sont pas ses premiers choix, mais mieux valait cette répartition qu’une autre pour éviter tout ennui, surtout depuis sa dernière entrevue avec Cleo. Sa casquette lui manque, mais il aurait fini par l’enlever – et autant que son fils l’ait, pour qu’il se souvienne d’où il vient. Mais pour l’heure, il n’y a pas vraiment de temps pour penser à sa famille et son avenir. C’est le futur de la ville qui semble être dans la balance et sur le point de changer, alors le reste peut attendre.

Les premières interventions ne le font pas sourciller. Positionné près du buffet, Thomas a commencé par vérifier que ses troupes étaient bien en place, flanquées de membres des autres factions, comme le veut l’accord qu’ils ont passé. C’est un crash test, pour voir si cela peut fonctionner mais également pour se surveiller les uns les autres : même s’il n’y croit pas, qui sait si l’un ou l’une d’entre eux n’est pas de mèche avec ce nouvel arrivant ? Observer, c’est ce qu’il est venu faire, et nullement participer, même si l’homme d’affaire se réserve le droit d’une sortie ou deux, si le besoin s’en faisait sentir. Et c’était ce dont ils avaient convenu, avec les autres dirigeants. Un accord que @Cleona Budbrady s’empresse de briser. Cela lui fait claquer de la langue sur le palais. Par principe. Mais il la connaît suffisamment pour ne pas être dupe : c’est parfaitement calculé. Et les prunelles claires du mafieux parcourent la foule, à la recherche de quelqu’un qui pourrait se trahir, à la surprise, justement, que cette femme en particulier ne dévoile ce dont il s’agit exactement. Il ne bouge pas, se contentant de scanner les visages. @Beverly Shaw est déjà le nez dans son téléphone, ce qui est bon signe. Pour le reste, on se passera de commentaire pour le moment. Qui a l’air de quelqu’un surpris, comme le reste des dirigeants et des membres des gangs, par l’audace de cette impertinente ?

L’incapacité du maire à tenir ne serait-ce qu’un Town Hall en dit plus long que Thomas ne pourrait jamais l’exprimer. Il reste cependant parfaitement impassible, l’image du citoyen modèle. Il n’y a que le shérif qui peut poser problème, ayant une certaine poigne même si ses aboiements le classent au rang de chien plutôt que de meneur d’hommes. Malheureusement, cette réunion ressemble réellement à une perte de temps monumentale, sur tous les plans, incluant la qualité des rafraîchissements. Il s’apprête cependant à l’endurer jusqu’au bout, quand quelqu’un intervient. Un certain Heisenberg, qui ne lui dit rien du tout. Un regard à son assistante l’informe qu’il n’a même pas besoin de donner de quelconques instructions qu’elle semble déjà sur sa piste. Quant à lui, il plisse les yeux, tentant de le jauger – mais de loin, dans une foule, ce n’est pas le point de vue idéal pour une inspection en profondeur. Il devra attendre le rapport de Beverly, et note soigneusement de trouver comment le convier à un rendez-vous – peut-être simplement en tant que citoyen inquiet prêtant une oreille attentive à ses allégations. Même s’il semble les accuser, sans les nommer. Un sourcil part à l’assaut de son front, et il pourrait pousser encore plus loin le jeu de l’innocence s’il n’avait pas vu un mouvement, à la lisière de son champ de vision. Des individus semblent se diriger vers les sorties les plus proches. Et quelque chose lui dit que cela ne risque pas d’être des jeunes avides d’effectivement essayer cette drogue livrée à leur porte, ni des mères de famille allant mettre leurs bambins à l’abri. « Il faut les suivre, » glisse-t-il à ses compagnons d’infortune du soir, Adaluz et @Judas Hartley, sans faire le moindre mouvement. Il n’est après tout qu’un humble CEO, et n’a aucune raison de bouger. Ses yeux captent ceux d’Angus, près de @Kado O'Donnell et de @Cleona Budbrady et un simple signe de tête entre les deux hommes lui indique qu’il n’est pas le seul à avoir remarqué cette activité. Son regard balaye la foule, cherchant qui envoyer sur les traces des déserteurs. @Llewyn Oswell, peut-être ?

La soirée risque d'être longue, mais si Kado est là, c'est pour une bonne raison. Le président de SAMCRO est en compagnie de Cleona ainsi qu'Angus. Un trio très mal assortit, mais surtout temporaire. Les trois gangs ont décidés de couvrir le plus de surface possible pour tenter d'éventuellement démasquer l'auteur de la nouvelle drogue. Pour le moment, rien n'avancer. La discussion tourne en rond. Kado, il reste dans son coin en compagnie des deux autres. Il observe les personnes présentes dans l'assemblée. Lorsque Cleona balance sa petite bombe, le regard du motard se pose sur elle. Qu'est-ce qu'elle fout ? Kado n'a pas le temps de réagir qu'Angus s'en charge. Aucune réponse de la brune, ce qui n'étonne pas spécialement le biker. Il pose alors son regard sur l'Uncail. La foule réagit aussitôt au propos de la first lady. Le maire tente d'apaiser l'assemblée sans succès, jusqu'au moment où le sherif s'en charge. L'homme calme les civils et le maire peut reprendre la parole avant d'être interrompue par un docteur prof au lycée. Ce qui intrigue le président de SAMCRO, il est très attentif à ce qu'il raconte. C'est étrange qu'il soit aussi informé à propos de cette drogue.

Kado, il lance un regard à @Vaughn I. Dixon puis il cherche du regard @Judas Hartley ainsi que les autres membres de son MC. Les derniers propos de cet homme font que l'assemblée commence à nouveau à discuter entre eux, à lancer des regards à l'encontre des motards présents dans la salle ainsi qu'aux autres membres de gangs. Kado, il est plutôt contrarié par la situation. Pourtant, il reste à sa place avant de ricaner dans son coin. Il soupire. Est-ce qu'il doit réagir ou laisser parler ? Il finit par faire deux pas en avant, il croise le regard d'un homme qui l'observe. Le regard de Kado ne reste pas longtemps dans celui de cet homme, il pose son regard sur le docteur. « Qui nous dit que ce n'est pas vous qui fabrique cette drogue ? » Il hausse les épaules avant de rajouter tout simplement : « Vous êtes peut-être là tout simplement pour détourner le regard des habitants et des autorités de Charming, pour continuer votre petit business ? Dans tous les cas, il est facile de pointer du doigt n'importe qui. Il serait peut-être prudent d'éviter de montrer du doigt tel ou tels personnes. » Kado finit par reculer.

Ce n'est pas la première fois que Buddy s'accroche avec le Shérif. Hartman et elle n'ont, semblent-ils, aucune raison de s'entendre. Probablement parce qu'ils ont le même mauvais caractère, sauf que l'un représente l'ordre, quand l'autre participe au chaos. Comme ce soir, en somme. A sa vitupération postillonné dans le micro, crachée à son encontre sans aucune ambiguïté, il n'est pas non plus étonnant de voir la First Lady lui répondre par un mouvement des lèvres simulant un baiser, accompagné d'un beau clin d’œil. Il sait très bien que même s'il l'arrêtait, elle ne passerait pas plus de quelques heures derrière les barreaux. Fiona ou une autre la ferait sortir, caution grassement payée par les Imperator. Du moins ... Elle l'espère. Elle a comme l'impression amère que ce qui les menace pourrait rebattre les cartes en leur défaveur. Car si sa petite intervention a bien produit l'effet escompté, elle ne s'attendait pas à ce qu'un type aussi quelconque, se proclamant « Docteur » et en sachant visiblement un peu trop long sur l'objet de cette réunion, intervienne. Ni que l'attention se porte sur eux - eux tous - aussi vite. Sa stratégie de départ, connue d'elle seule, se voit mise à mal par un élément perturbateur. En effet, on peut légitimement penser qu'elle avait envisagé que cela arrive, bien sûr, mais que les soupçons se portent en premier lieu sur ... Disons, les plus influents d'entre eux. Au hasard, les Bithbeo. Et non qu'ils soient tous mis sous le feu des projecteurs aussi vite.

« Trop vite en besogne, très chère. » « Va chier, Angus. » qu'elle lâche entre ses dents, son attention se désintéressant bien vite de l'impertinent Uncail. Il peut bien se moquer, l'enfoiré, en attendant, l'autre partie de ses attentes a fonctionné. Le prof' de chimie a peut-être, ou non, quelque chose à voir là-dedans et que ce soit le cas ou pas, il a lui aussi attiré les soupçons. De même qu'elle n'a pas manqué d'apercevoir, à la périphérie de sa vision, les personnes quittant la salle. Son regard accroche celui de @Mel Carter, un simple signe de tête signifiant à sa sœur de suivre les fuyards. L'instant suivant, elle vérifie que @Tweety Christmas est à l’œuvre. Sans grande conviction. Elle sait qu'elle l'est. Et @Beverly Shaw aussi. Reste à espérer que sa meilleure amie sera plus rapide et plus efficace que l'autre blondasse.

De son côté, elle a aussi à faire. @Kado O'Donnell est intervenu le premier, se faisant la probable voix de @Thomas Walsh, fin observateur mais à la gouaille oubliée - à dessein, ça aussi, elle le sait. A son tour, elle décolle du mur, venant tapoter l'épaule du Président du SAMCRO, avant de passer son bras sous le sien pour l'empêcher de reculer. « Allons, Kado ! Notre bon Docteur ne pensait certainement pas à mal ! Hein, prof' ? C'est évident qu'il n'oserait pas insinuer que quelqu'un, ici, à Charming, même blindé de tunes, s'amuserait à lancer ce genre d'activités ! En prenant le risque de faire du mal à autant de gens ! Ça n'aurait pas de sens, pas vrai, prof' ? Au contraire, il faudrait être vachement désespéré pour se lancer dans un truc pareil. Avoir un pauvre salaire ... De prof', par exemple, ouais. » termine-t-elle, comme prise d'une épiphanie, les yeux ronds. De Heinsenberg, ses prunelles feignant la surprise et l'innocence se reportent sur Kado. « T'as pas tort, en fait. Merde alors ! »