La porte de la voiture claqua sourdement. Llewyn ajusta machinalement les manches de son blouson, en tâtonna les poches à la recherche d’un paquet de Lucky Strike dont elle tira une cigarette sitôt qu’elle l’eût trouvé. Elle coinça sa cancéreuse entre ses lippes, fit claquer son zippo et inspira une longue bouffée de nicotine supposée lui remettre les idées en place. Doucement, elle s’adossa à la portière, laissa échapper un long filet d’une épaisse fumée blanche, profitant de l’instant pour balayer du regard la rue inanimée. Il était déjà trop tard pour que les diurnes quittent le confort de leur maison, mais encore trop tôt pour les premières manifestations des nocturnes en sortie de bars. Ces boyaux-là du quartier nord, de manière générale, se faisaient relativement calmes à la nuit tombée, ce qui n'était pas pour la gêner.
L’Irlandaise prit son temps, savourant chaque seconde de sa cigarette puisque rien ne pressait. Le tabac s’envola malgré tout à une vitesse remarquable, et elle en abandonna le mégot sur l’asphalte, l’écrasant sans délicatesse sous sa semelle alors qu’elle recrachait un ultime nuage nocif pour sa santé. La jeune femme se redressa dans un bond, contourna la Civic que conduisait habituellement Siobhan dans ses trajets quotidiens, jusqu’à accéder au coffre qu’elle ouvrit rapidement. Une fraction de seconde plus tard, elle le refermait, son casque de moto sous le coude, une batte de baseball fermement coincée entre ses jambes. Elle pencha sa tête sur le côté jusqu’à libérer ses cervicales dans un chapelet de craquements, secoua sa crinière rousse avant de la remonter en un chignon désordonné qu’elle emprisonna finalement derrière son habituel masque noir. Llewyn, récupérant son arme, se mit aussitôt en branle.
Dans un élan étonnant de lucidité et de sécurité paranoïaque, elle avait pris le soin de se parquer à deux rues de sa destination, dans une artère vide d’yeux municipaux. S’il devait y avoir quelque caméra dans celle qu’elle visait, il n’y en aurait pas pour la poursuivre jusqu’à la Honda. Sans être plus précautionneuse que son prochain - son impulsivité chronique la poussant au contraire souvent à l’imprudence -, l’expatriée se passait volontiers de quelques mois au violon accompagnés d’une douloureuse particulièrement salée. Surtout pour une bête histoire de vandalisme revanchard.
Llewyn serpenta nonchalamment jusqu’à sa destination, se fondant dans les ombres pour n’être pas surprise par le premier quidam en proie à l’insomnie. Rien dans son physique n’invitait à la discrétion : de sa crinière rousse faisant office de phare à travers le brouillard à sa peau si pâle qu’elle réfléchissait les feux des voitures lui tombant dessus, elle se serait fait aisément remarquer s’il n’y avait eu son casque et son blouson boutonné jusqu’au cou pour la faire disparaître dans la nuit. Ce camouflage impeccable lui permit finalement d’arriver à bon port sans encombre.
La rue calmement éclairée qui s’ouvrait devant elle continuait jusqu’à l’unique tour de la ville, crevant l’horizon. La route plantée de commerces en tous genres, habituellement fréquentés, prenait à cette heure-là des allures de désert fantomatique. Seule âme à la hanter, Llewyn se traîna d’un pas assuré jusqu’à une enseigne éteinte qui lui irritait la cornée au moins autant qu’un préservatif sous les yeux d’un catholique intégriste. Lumières mortes, porte close, grilles descendues, la boutique avait fermé à l’heure habituelle en ne laissant pour trace de son activité que deux voitures garées devant. Les petites commerciales floquées d’un logo criard et d’un nom qui l’était tout autant, sagement immobiles, n’avaient aucune idée de ce qui les attendait. Il y en avait eu trois avant elles, ou peut-être quatre. L’Irlandaise n’avait pas réellement pris la peine de les compter. Pneus crevés, rétroviseurs démontés, vitres éclatées, taule défoncée. Elle n’en était pas à son premier méfait et ne semblait pas prête de s’arrêter en si bon chemin. La rancœur palpitait encore à ses tempes, et son cœur crachait toujours dans ses veines un venin acide qui la rendait mauvaise. C’était qu’elle était rancunière, en plus d’être très premier degré quand on la prenait pour une conne. Aussi exorcisait-elle sa hargne de la meilleure manière qui soit : à coups de batte.
Le bouleau avait son allégeance en la matière. Ce bois souple, quoique résistant, faisait l’allié idéal des vendettas, dépassant de loin l’érable ou le frêne qui avaient tendance à céder trop rapidement. C’est qu’il fallait se montrer costaud pour résister à l’acharnement caractéristique dont faisait preuve Llewyn dans les instants où elle se transformait en tornade, en furie.
Elle fit tournoyer quelques secondes son arme de destruction massive pour s’échauffer les poignets avant de frapper un grand coup dans la vitre conducteur de la première trois-portes. La voiture trembla, sa glace latérale fragilisée. Il suffit d’un deuxième choc pour qu’un impact important se dessine sur le verre trempé. Vint le troisième. Et le quatrième. Jusqu’à ce que la surface auparavant lisse termine dévisagée, entièrement morcelée, comme la confiance aveugle que l’expatriée avait porté à l’enflure dont le nom s’affichait en lettres capitales sur la portière. Si la brutalité que la rouquine mettait à ravager l’auto n’arrangeait pas foncièrement son problème, elle avait au moins le don d’apaiser temporairement son ire brûlante. Du reste, il faudrait sans doute quelques nuits de vandalisme de plus pour que la crevure qui l’avait arnaquée sur les réparations de la maison se décide à la rembourser. Llewyn se montrait clémente pour le moment, mais sa patience avait des limites. Et elle s’usait un peu trop pour que l’envie de refaire le portrait du type façon clavier de piano ne lui traverse pas régulièrement l’esprit. A défaut de lui faire perdre quelques dents, elle se défoulait sur ses carrioles.
La jeune femme, son premier office fait, ne s’attarda que peu sur le miroir gauche qui rendit l’âme après avoir vu de trop près la semelle de sa grolle. Elle s’attaqua à l’avant du véhicule, éclata le feu côté route, s’immobilisa finalement, les yeux rivés sur le pare-brise derrière l’écran teinté de son casque. Elle plissa les paupières, fronça les sourcils, arma sa batte et fit résonner avec fracas le bois contre le verre laminé qui frissonna de douleur mais ne rompit pas. Il n’y avait décidément que dans les mauvais films que les vitres avant éclataient en un milliard de morceaux. Elle réitéra son geste. Sec, vengeur, violent. Craché avec autant de véhémence que les insultes en shelta qui fusaient derrière ses dents serrées.
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❝Vaughn I. Dixon❞
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" Comprenez bien monsieur Dixon : je vous laisse une semaine pour trouver le délinquant qui s'amuse avec mes voitures. Après quoi le contrat prendra fin. Je sais qu'il s'agit de la même personne, ça se voit dans sa manière d'opérer. J'ai bien remarqué la similitude entre les dégâts. "
Hm, inspecteur gadget est sur le coup, je me demande ce que je fais là, dans son luxueux bureau.
Alors qu'il expose ses théories, cherchant probablement à justifier l'intervention d'un privé quand il suffirait de déposer une plainte en commissariat et de faire jouer la vidéo surveillance, j'étudie les lieux pour cerner le personnage. Très peu de documents sur le bureau, ça ne vient pas d'une bonne organisation ni même d'un rangement hâtif effectué par politesse avant de me recevoir. Ce type sous-traite absolument tout son boulot. L'ordinateur dernière génération qui trône sur le meuble est à coup sûr plus utilisé pour mater des films ou jouer en ligne que pour préparer les fiches de paye des employés. Je remarque sans mal le calendrier flambant neuf sur lequel les plus beaux mannequins 2020 ont posé nu en lançant des regards tendancieux à ce pauvre chef d'entreprise qui croule sous l'argent et l'ennuie. Je n'ai croisé en venant jusqu'ici que de jolies femmes de trente-cinq ans maximum ; il sait au moins s'entourer.
Enfin. Là n'est pas l'objet de mon enquête. Cinq voitures vandalisées dit-il, mais je n'ai pas accès à toutes les images. De ce qu'il me laisse voir, c'est vitres brisées et phares défoncés. Carrosserie parfois, avec une barre de fer, il en est certain. Comme il est au courant de tout c'est compliqué de vendre mon dossier, mais il s'obstine : je dois enquêter. Ramener l'identité du délinquant. Soit. Une semaine pour trois planques prévues, ça fera 1500$.
" C'est très clair. Dans une semaine si je ne vous ramène pas l'identité que vous attendez, je viendrais néanmoins récupérer mon chèque. Je vous rappelle que je ne suis pas payé au résultat. Rassurez-vous : je vais faire de mon mieux. "
Le sourire qui fend mon visage est lourd d'ironie mais il ne sait comment l’interpréter. De toute façon je bosse bien, que ce soit pour un client qui m'inspire sympathie - voire pitié - ou pour un guignol tel que lui. Ma réputation me précède et s'il me toise avec dédain c'est pour mes talents qu'il m'a contacté. Je quitte les lieux sans lui laisser le temps d'extirper son large bide de derrière le bureau et file planifier la planque à venir.
Admettons que le coupable soit bien une seule et même personne. Il ne lui reste pas beaucoup de voitures de société à abimer. J'imagine un concurrent qui cherche à affaiblir l'ennemi ou un client mécontent. Ce gros ne m'a filé aucune bille concernant sa vie privée. Mais ce pourrait être madame, ex-madame, enfant chéri ou nièce ingrate. Je mets de côté ses certitudes, mon imagination, et tente de me faire ma propre opinion en me basant sur les faits.
Après avoir installé des petites espionnes au-dessus des trois voitures les plus accessibles - stationnées à l'extérieur, donc - je choisi celle qui sera la plus facile à surveiller ce soir. Je me stationne au milieu d'autres caisses endormies, allonge mon siège, cale mes pieds au-dessus de la boite à gants et positionne mon téléphone de sorte à observer à loisir ce qu'il se passe sous la caméra planquée dans l'arbre à moins de vingt mètres.
La nuit s'annonce fraiche et chiante. C'est souvent le cas des planques. Je vérifie avoir pris un bouquin et jette un œil à ce qu'il me reste de batteries sur le portable. Pas le temps d'envisager le moindre divertissement cependant : moins de deux heures que je suis là et voici notre délinquant ; Amusé par la situation et pas forcément prêts à m'imposer entre la voiture et la lourde batte qu'il utilise, j'admire le travail. Qui s'éternise. Sans aller jusqu'à parler de maîtrise, les coups sont portés avec une belle intensité. Pas assez solide cependant. Hm, c'est une femme. Jolie silhouette. Je fronce lentement les sourcils en estimant avoir assez attendu, quand je percute : Bordel !
Mes chaussures glissent de leur emplacement et mon regard jusqu'alors pendu à l'écran se précipite en contrebas pour valider mes impressions :
" Nom de ... !? "
Llewyn ? Ce casque, la fine carrure, les cheveux rebelles qui la trahissent. Merde. J'éteins l'enregistrement et me rend jusqu'à elle en vitesse, ralentissant néanmoins l'allure dans son dos pour éviter de l'inquiéter - et de recevoir le coup de batte qui allait venir à bout de la vitre.
" Hem, tu veux de l'aide peut être ? "
C'est bien elle, j'en suis certain. La carcasse profite de cette pause dans la séance de torture tandis que je m'avance, mains dans les poches, légèrement dédaigneux. Un peu comme un contremaître vérifie le boulot effectué je fais le tour de sa proie défoncée. Ce n'est pas si mal, pour un petit bout de femme. Lorsqu'elle me fait face je lève les mains en signe de soumission bien que mes traits affichent autant d'insolence que ses précédents gestes.
" Pose ça. S'il te plait ; "
Je n'ai pas envie de la considérer trop vite coupable d'un délit si stupide, je n'ai pas envie d'émettre la moindre conclusion. Je veux surtout entendre sa plaidoirie, ses raisons, m'en divertir et envisager pourquoi pas de prendre son parti ;
A toi de jouer, rouquine.
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❝Llewyn Oswell❞
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Les geignements du verre sous chacun de ses assauts résonnaient à ses tympans comme la mélodie parfaite d’un orchestre symphonique. C’en était terriblement satisfaisant. Plus grisant que l’alcool, plus enivrant que les caresses d’un amant. Llewyn, lorsqu’elle était mauvaise et tempête, ne trouvait de toute manière aucun autre réconfort que celui de briser quelque chose. Une vitre, une gueule, les couilles. Peu importait, pourvu que les coups puissent apaiser les orages qui faisaient rage dans son âme et son esprit.
Les attaques répétées dont elle congratulait avec une certaine précision le pare-brise ne tardèrent pas à le morceler. S’il resta solidement fixé, et d’un seul bloc, un schéma confus d’éclats de verre ressemblant à s’y méprendre à des toiles d’araignées en déchira la surface. Sans être une pointure en matière d’art, l’Irlandaise ne put s’empêcher de trouver la vision franchement belle. Un peu plus et elle aurait vendu sa performance pour des centaines de milliers de dollars au premier imbécile qui aurait taxé son vandalisme rageur de chef-d’œuvre. Le trou dans son compte bancaire serait au moins comblé ainsi …
Llewyn s’apprêtait à asséner un ultime coup de boutoir avant de se charger de la face opposée de la voiture quand une voix dans l’interpella.
« Hem, tu veux de l’aide peut être ? »
Son sang se glaça, son palpitant manqua un battement alors qu’elle sursautait, suspendant son geste. Vina disait toujours, dans son verbiage vernaculaire, qu’on ne s’effrayait au point d’en bondir sur place que lorsque la conscience n’était pas tranquille. Comme on ne frissonnait que parce qu’un esprit vous traversait. Ses croyances et superstitions tournaient en ritournelle dans les pensées de la rouquine chaque fois qu’elle surprenait son corps à échapper à son contrôle.
L’Irlandaise fit volte-face en une fraction de seconde, braquant immédiatement ses prunelles vers le nouvel arrivant, la grippe ferme sur le manche de la batte. Son palpitant, à l’arrêt jusqu’alors, repartit brusquement quand elle reconnut le visage qui la jugeait. Plus vite, plus fort, comme pour fuir en vitesse, honteux d’avoir été pris sur le fait, son muscle cardiaque devint douloureux l’espace d’un instant. Il fallut un battement de cils de plus pour qu’il cesse de tambouriner si violemment contre sa cage d’os ; et un de plus pour que la jeune femme réalise pleinement que la scène improbable qu’elle vivait était bien réelle.
Vaughn. Vaughn, en chair et en os - et en cuir, pour changer. Vaughn et la foutue arrogance de ses traits charmeurs.
Doucement, elle baissa son arme alors que l’importun levait les mains en signe de paix et de reddition. L’écran teinté du casque maqua les orbes assombris de questions de Llewyn. Les interrogations fusaient dans son esprit. L’avait-il reconnue, ou se contentait-il d’intervenir, bon patriote, en voyant le bien d’un autre se faire malmener ? Que diable pouvait-il faire ici à une heure pareille ? Est-ce qu’il la suivait ? La manière dont il la considérait la poussait à croire que son identité était percée à jour. L’Américain connaissait son heaume moderne, son blouson, sa silhouette. Ils s’étaient vus de trop près une semaine auparavant pour que ces petits détails lui échappent aujourd’hui.
Le quadragénaire fixa la barre de bouleau avant d’ordonner à demi-mots :
« Pose ça.S’il te plait. »
Llewyn secoua la tête de gauche à droite, ses songes s’entrechoquant dans son crâne. Elle se tourna à nouveau, reprit un peu d’élan et acheva d’un coup brutal son œuvre d’art. Le pare-brise ainsi défiguré, elle pivota sur ses talons, considéra un instant Vaughn avant de réduire à néant la distance entre eux. Insolente, elle s’approcha un peu trop, suffisamment pour que le parfum de l’homme l’enserre malgré son casque. L’odeur sombre et chaude de cuir et de confiance lui brûla la peau et lui coupa le souffle. Elle le jaugea, le jugea à travers le masque qui dissimulait ses taches de rousseur, plantant ses prunelles claires dans les siennes, trop noires, cherchant à déceler dans la fragrance entêtante qu’il dégageait des notes de bleu, de double-ton de sirène, d’uniforme, de foutu condé.
« Tiens-moi ça une seconde, tu veux ? »
Et avec la délicatesse dont il l’avait vue faire preuve jusqu’à maintenant, elle lui fourra la batte entre les mains puis se détourna.
Llewyn tâtonna les poches de son pantalon cargo à la recherche de son allié de toujours, celui qui l’accompagnerait dans la suite de ses méfaits : son éternel couteau papillon. Elle s’éloigna de Vaughn pour ne pas lui laisser croire à une quelconque menace, retourna vers la voiture, fit tournoyer le balisong et claquer les parties du manche entre elles en l’ouvrant. L’expatriée s’accroupit dans un craquement d’articulations au niveau de la roue avant. Doucement, elle releva sa visière, tourna le nez vers son - ancien, sans doute - compagnon de course et fit clapper sa langue contre son palais.
« Tu es flic, Vaughn ? »
Sans attendre de réponse, elle planta la lame de son couteau dans le pneu qui chuinta aussitôt, se vidant d’air. Le retirant d'un coup sec, la jeune femme se releva et fit quelques pas en arrière pour atteindre la deuxième roue du véhicule.
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❝Vaughn I. Dixon❞
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Son assaut avorté, la jeune femme me fait face, baissant lentement ses petits bras armés. Je l'ai surprise, c'est certain. Le brouhaha créé par les coups portés à la voiture ont étouffé le bruit de mes pas. Et puis, déchaînée comme elle l'était, Llewyn était incapable d'envisager la venue de quelqu'un. Il est tard, l'endroit n'est pas des plus romantiques, carrément glauque en fait. Je n'ai rien à foutre là - doit-elle se dire. Avoir brisé sa violente transe est assez jouissif. J'apprécie la façon dont-elle reste casquée, figée. Contrairement à elle : je suis à découvert. Sans arme, sans masque surtout. Si ce n'est celui, intangible, de ma profession.
Je lui demande de lâcher la batte, elle refuse dans la seconde. Je n'ai même pas le temps de faire le choix entre autorité plus marquée ou humour déplacé qu'elle s'empresse d'achever son travail. Mes lèvres s'entrouvrent pour libérer un simple soupir démonté. La chose faite - j'espère une accalmie - elle daigne finalement m'accorder son attention.
Derrière cette visière sombre je n'aperçois pas la demoiselle. Je la devine. Ses yeux clairs remplis de reproches agrippés à mon visage, les multiples points sur sa peau déplacés par les lignes de sa mimique contrariée et ses cheveux de feu qui semblent avoir interrompu aussitôt leur ballet inconvenant. Puis ce parfum ; je penche le visage sur le côté pour sortir de ma fixation. Bouche bée, poupée ?
« Tiens-moi ça une seconde, tu veux ? »
J'ai le bon réflexe de relever le bras assez vite pour recevoir le présent si brutalement offert. Au moins, la demoiselle n'a pas l'intention d'asséner de nouveaux coups. Malheureusement je comprends vite qu'elle se débarrasse les mains pour manier un nouvel instrument. Le spectacle qui se déroule sous mes yeux rempli la fiche d'informations la concernant. Voilà de nouvelles compétences insoupçonnées.
" Vraiment ?... "
Provocante, détachée, elle s'agenouille toujours casquée mais libère ses beaux yeux pour un peu mieux me narguer. Je sais pertinemment ce qui va arriver à ces pneus. Je ne bouge pas.
« Tu es flic, Vaughn ? »
" Tu es criminelle, Llewyn ? "
Dis-je en m'avançant. Le premier pneu rejette ses derniers sanglots tandis qu'elle s'approche du second. Je me place légèrement devant. Ça ne va pas l'empêcher de crever le caoutchouc, mais ça l'obligerait à avoir ce geste dangereux et féroce à quelques centimètres de mon genou. Une façon de mesurer son inspiration du moment.
Sa question est légitime, j'aurai pu être flic à cet instant. Je n'ai cependant pas le profil - ni le passif - qui correspond. Si je bosse parfois avec la police, je n'appartiens pas plus à leur camp qu'à celui des malfaiteurs. J'ai davantage le rôle d'un mercenaire là au milieu, si l'on peut comparer les choses ainsi. Quelle est sa place ? Puisque la mienne est ambigüe, je lui laisse le bénéfice du doute.
" Ça suffit, c'est la sixième voiture perdue pour Highman. "
J'insiste sur le nom de mon client pour m'assurer que c'est bien à lui que Llewyn s'en prend. A qui d'autre ? Toutes sont à son nom et rattachées à sa société. Ça me fait chier de constater que ledit gérant avait peut être raison : les dégradations sont effectuées par une seule et même personne ; En attendant d'analyser sa réaction, je balance la batte de l'irlandaise un peu plus loin - hors de sa portée directe - et me place cette fois-ci bien entre elle et la voiture - ce qu'il en reste.
" Tu m'expliques ? "
Elle ne me doit rien, encore moins des justifications pour ses actions délictuelles. Qu'importe, je tiens à savoir. Et si je peux éviter de révéler mon implication je le ferai ; je doute que ce soit possible néanmoins.
Curiosité, incertitudes, incitation, rivalité ; Et maintenant, que vas-tu oser ?
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❝Llewyn Oswell❞
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Les prunelles claires de l’Irlandaise s’attardèrent une seconde sur son interlocuteur, pesant sur sa silhouette, cherchant dans sa posture et son attitude le moindre indice qui pourrait cracher la vérité sur son emploi. Elle retint son souffle l’espace d’un instant, priant intérieurement, les entrailles soudain nouées d’appréhension, pour qu’il se trouve du même côté de la loi qu’elle. L’imaginer dans un uniforme plutôt que dans son cuir lui laissait sur la langue un rien d’amertume et de déception. Llewyn aimait mieux courir à côté d’un homme qui pliait les règles que de concurrencer une âme qui les faisait appliquer.
« Tu es criminelle, Llewyn, interrogea-t-il en s’approchant. »
Le regard las dont elle le congratula traduisit sa pensée à fond. Tout dépendait le juge, tout dépendait le point de vue. N’était-ce pas constamment une question d’appréciation ? Aux yeux de nombreux tribunaux - elle comptait facilement les états-uniens, européens et canadiens - l’Irlandaise n’était ni plus ni moins qu’une terroriste. Engagée dans la lutte dès son plus jeune âge, ayant grandi dans l’ombre de la Cause, l’IRA avait fait d’elle un bon petit soldat dans une guerre idéologique et politique que nombreuses institutions condamnaient. Arrachée à ses idéaux nationalistes, ses espoirs de rémission s’étaient cependant vus réduire à néant quand elle avait embrassé la faction californienne de la mafia. De quoi graver une bonne fois pour toutes dans les esprits et son casier judiciaire qu’elle se satisferait à jamais de ce statut. Des délits, des contraventions, de menues bourdes et infractions, Llewyn en avait quelques uns à son actif. A vrai dire, elle n’avait pas assez de doigts pour les compter, et emprunter ceux de Vaughn ne suffirait pas non plus. Mais elle attendait les lois, ses représentants, tous les Minos, Éaque et Rhadamanthe que cette terre pouvait porter, toutes les versions édulcorées de Saint Pierre dont les sectes chrétiennes avaient accouchées. Elle attendait qu’ils pointent du doigt sa petite vie délictueuse pour leur briser les phalanges en s’aidant de la batte que le quadragénaire tenait encore entre ses mains.
L’expatriée roula les yeux au ciel devant la mauvaise foi de son interlocuteur. Ce n’était pas tant sa petite réflexion agaçante qui lui avait vrillé les tympans que ce réflexe insupportable de répondre à une question par une autre interrogation. Mais ce que les lèvres de Vaughn ne prononçaient pas explicitement, Llewyn était encore assez maline pour le traduire.
« Non, donc, marmonna-t-elle en conclusion. »
Il lui sembla sentir son palpitant soupirer de soulagement, rassuré par la perspective certaine de ne pas finir menotté par un homme qu’il appréciait jusqu’à présent.
« Ça suffit, c'est la sixième voiture perdue pour Highman. »
Elle fronça les sourcils, braquant un œil mauvais sur Vaughn qui tenait un peu trop bien les comptes pour n’être qu’un observateur extérieur à la petite guerre à sens unique qui faisait rage entre Llewyn et le directeur de l’entreprise qui l’avait arnaquée. La jeune femme, son réflexe assassin passé, s’étonna du nombre craché par l’Américain. Y avait-il déjà eu tant de véhicules que cela ? Elle haussa les épaules, peu affligée, une pointe de fierté dans la poitrine. Le score était déjà bon, mais pas suffisamment élevé pour qu’elle se calme pleinement.
Vaughn se débarrassa soudain de la batte de baseball, l’envoyant valser à plusieurs mètres de là. La tige de bois rebondit sur l’asphalte dans un couinement caractéristique qui rendit le sang de l’expatrié quelque peu fielleux.
« Tu m’expliques, exigea-t-il en se fichant devant elle comme un chêne aux racines millénaires. - Certainement pas. »
Et cependant qu’elle jouait les réfractaires, elle se désaxa très légèrement pour pouvoir contourner les jambes de Vaughn qui faisaient office de barrage. La précision chirurgicale avec laquelle elle creva le deuxième pneu trahit les années d’expérience qu’elle traînait derrière elle. Llewyn, l’affaire faite, remballa sa lame dans un cliquetis métallique accompagnant un mouvement souple du poignet avant de l’enfouir dans la poche où elle l’avait trouvé. Elle releva les yeux vers son interrogateur, tendit les mains pour qu’il l’aide à se relever et, en un battement de cils, se redressa de toute sa hauteur qui paraissait somme toute insignifiante face à la carrure de l’homme.
La rouquine s’essuya les mains en se frottant les paumes, épousseta ses vêtements et fit un pas vers la droite pour contourner indolemment l’arrière de l’automobile.
« Tu travailles pour lui ? Pour quelqu’un qui n’est pas un condé, tu sais un peu trop bien le nombre de caisses dont j’ai refait le pare-brise. C’est quoi, alors ? Tu joues les chiens de garde ; il siffle, tu obéis, prêt à mordre pour défendre les biens de ton maître ? »
Quelques pas souples de plus l’amenèrent de l’autre côté de la voiture. Llewyn fit face à son ancien adversaire, pencha légèrement la tête sur le côté tapota le toit du véhicule. Doucement, elle s’accouda sur la taule, reposant son menton sur ses poings clos.
« Je compte bien crever ces deux pneus-là et enchaîner avec la tire à côté, je te préviens. Et je vais continuer sur ma lancée quelques soirs de plus, à défaut de pouvoir éclater la gueule d’Highman à coups de batte. Elle siffla, amère : je suis une délinquante, vois-tu, pas une criminelle. »
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Butée. Et prévisible pour le coup, quoique je m'attendais à être relativement impressionnant. Pas assez pour inciter la jeune irlandaise à cesser son manège ni à la justifier. Au contraire, elle continue de s'appliquer à la tâche, faisant fi de ma présence. J'assiste à la séance de torture, au déploiement des qualités de délinquante de Llewyn ainsi qu'à son insolence. Le pneu derrière moi ne bénéficie d'aucune pitié et se vide à son tour de tout l'air qui le maintenait en place. Le châssis du véhicule s'écrase un peu plus sur lui même, mais il reste deux chambres à air intactes ;
L'évocation du chef d'entreprise ne l'a pas vraiment fait ciller. C'est une forme de confirmation : elle sait très bien de qui je parle et ses agissements sont directement liés au type. Je récupère sans hésiter sa main tendue pour l'aider à se redresser.
« Tu travailles pour lui ? Pour quelqu’un qui n’est pas un condé, tu sais un peu trop bien le nombre de caisses dont j’ai refait le pare-brise. C’est quoi, alors ? Tu joues les chiens de garde ; il siffle, tu obéis, prêt à mordre pour défendre les biens de ton maître ? »
C'est à ça que je ressemble ? La remarque vient piquer mon orgueil et je me contente d'un reniflement dédaigneux en guise de contestation. Je ne suis le sous-fifre de personne. Kado, à la limite, peut m'imposer quelques consignes mais il a le bon goût de le faire sous la forme de la demande. Autrement, je n'ai ni employeur, ni directeur, pas un seul supérieur professionnellement parlant ; Les lointains souvenirs de l'armée ramène le sourire à mes lèvres. Je savoure tant ma liberté !
Alors que Llewyn cherche à atteindre les deux derniers pneus je choisi de m'interposer plus explicitement. Ego froissé ou récréation ?
" Je me fiche de cette caisse. Mais je ne comprends pas ce que tu y gagnes. Moi... je serai payé de toute façon. "
Petit air victorieux, je fais un pas dans sa direction. Pas assez près pour que la brise entraîne son parfum jusqu'à moi, mais bien assez pour lui éviter un abordage de caoutchouc que je ne pourrais anticiper.
« Je compte bien crever ces deux pneus-là et enchaîner avec la tire à côté, je te préviens. Et je vais continuer sur ma lancée quelques soirs de plus, à défaut de pouvoir éclater la gueule d’Highman à coups de batte. Elle siffla, amère : je suis une délinquante, vois-tu, pas une criminelle. »
" Je vois. "
Un peu résigné, pas totalement concerné, j'attrape le paquet de clopes dans ma poche arrière et récupère au passage le briquet au fond de ma veste en cuir. J'allume la cigarette en laissant mes yeux divaguer sur les alentours. Le coin est calme. Je lui propose distraitement un bâtonnet avant de ranger le tout et de m'éloigner.
" Attends un instant tu veux ? "
Concentrant toute mon attention sur un arbre bancal, j'en fais le tour avec beaucoup de sérieux. Je fouille ses branches d'un œil précis et fini par m'immobiliser. Je tire sur la clope, la secoue sans quitter ma cible des yeux, puis la recale entre mes lèvres avant de m'agripper à la première branche. Je me hisse jusqu'à la seconde et attrape l'objet tant convoité. Là. Je retourne à la terre ferme d'un bond - entraînant quelques bouts de bois dans ma chute - et reviens à la rouquine. Presque fier. La caméra à la main.
" Tu peux y aller. Je te montrerai tes exploits après, si tu veux. "
Ce doit être agaçant de s'être fait filmer à son insu. J'ignore comment elle va le prendre mais je mise sur une légère distance de sécurité, tout en vérifiant que l'enregistrement a bien été coupé au moment où je suis sorti de ma voiture.
Je ne veux pas risquer de la froisser pour une taule abîmée. Soudain indifférent au sort des biens de Highman, je visionne dans mon coin les minutes de film capturées, oubliant presque la présence de ma rivale casquée. ... Tête penchée sur l'écran, je la surveille pourtant.
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❝Llewyn Oswell❞
Messages : 267 Date d'inscription : 24/12/2019 Faceclaim : Polly Ellens Copyright : étangs noirs (ava) - frimelda (signa) Âge : 29 ans Aka : Oz Côté ♥ : Divorcée. Célibataire, donc. Métier : Transporteuse. Gang : Bithbeo
Vaughn ne put apercevoir le rictus plein de dents qui ponctua les propos de l'Irlandaise. Ses yeux, eux, ne se plissèrent pas dans cette expression adorable qu'elle arborait lorsqu'elle souriait franchement. Son sang était trop acide pour qu'elle ressente l'envie de se radoucir, et les mystères dans lesquels se complaisait l'homme n'arrangeaient rien à son humeur, bien au contraire. L'estime étonnamment haute qu'elle avait de lui avait brutalement chuté. C'était qu'il n'avait pas confirmé travailler pour le propriétaire des voitures qu'elle démolissait, ni ne l'avait infirmé. Pour ce qu'elle en savait, il pouvait bien être dans les petits papiers d'Highman. Pour quelle autre raison était-il ici sinon ? Llewyn peinait à croire qu'il passait là et, l'ayant reconnu, s'était mis en tête de la calmer un peu avant de lui proposer un nouveau verre, sa précédente tentative s'étant soldée en échec.
« Je vois. »
La rousse suivit des yeux la progression du quadragénaire qui devenait presque un ennemi. A défaut, un obstacle dans sa vendetta. Dans un cas comme dans l'autre, sa présence lui devenait lentement désagréable.
Vaughn fouilla ses poches pour en sortir un paquet de cigarettes qu'il délesta un peu de son contenu. Dans un réflexe, sûrement, il tendit son bien à la jeune femme qui refusa d'un signe de tête. Elle lui avait déjà offert ses yeux, elle ne comptait pas se démasquer pleinement pour lui offrir ses lippes en fumant. Sa dose de nicotine allumée, ses effets personnels enfouis à leur place, l'Américain s'agita.
« Attends un instant tu veux ? »
Le regard d'abord inquisiteur de Llewyn lorsqu'il se détourna s'obscurcit quand elle le vit grimper dans un arbre. S'il cherchait un meilleur point d'observation, il pouvait tout aussi bien se poster sur le trottoir d'en face et cesser de pomper l'air qu'elle respirait.
Les craquements du bois sous l'escalade de son interlocuteur lui rappelèrent ses propres excursions sylvestres. L'expatriée, bonne sprinteuse, faisait aussi une bonne acrobate. À grimper les hauts murs qui cerclaient Short Strand, elle s'était fait une petite expérience pour monter aux arbres sans la moindre difficulté. Il était toujours moins dur d'atteindre une cime qu'une rangée de barbelés.
« Qu'est-ce que tu … »
Elle fut tentée de se pincer l'arête du nez en voyant Vaughn se dépêtrer entre les branches mais se contenta de soupirer. En bon cousin du singe, l'homme se laissa retomber, une caméra entre les mains. Llewyn, réflexe, eut un léger mouvement de recul quand son sang ne fit qu'un tour. Les pensées se bousculèrent derrière son front plissé, hébété ; son cœur s'emballa quand son instinct cherchait à mesurer les risques. Les griffes de l'inquiétude lui agrippèrent brusquement les entrailles, et elle se hasarda à considérer la batte qui traînait sur l'asphalte, de l'autre côté de la voiture.
Poignarder un homme qui vous filmait, en plus de vous suivre, c'était un crime dans ce pays ?
Le Son ne parvenait pas encore à lire dans ses pensées, si bien qu'il se rapprocha un peu, son œil de surveillance entre les mains. Le nez rivé sur l'écran, il fanfaronna :
« Tu peux y aller. Je te montrerai tes exploits après, si tu veux. »
La poitrine lestée d'un poids, Llewyn jaugea son interlocuteur, les sourcils toujours graves. Ses yeux firent des allers-retours entre le visage distrait de l'homme et la voiture qu'elle était toujours tentée de réduire en miettes. Résolue, jugeant que Vaughn n'était pas un danger immédiat, elle extirpa de la poche latérale de son pantalon le balisong qu'elle fit à nouveau chanter en l'ouvrant.
Il ne fallut pas dix secondes pour que le pneu avant grince quand la lame qui y fut enfoncée s'extirpa. La quatrième roue, enfin, passa l'arme à gauche en un tour de main, rejoignant ses consœurs dans un triste sifflement. La rouquine se redressa, gardant toujours un œil sur son unique spectateur. Elle imagina la face bouffie de confiance d'Highman en emboutissant d'un coup de grolle le rétroviseur droit. Le craquement de plastique et de verre qui résonna sous l'assaut adoucit un peu l'aigreur de Llewyn qui ne s'inquiétait guère des sept ans de malheur que son énervement engendrerait. C'était un réflexe terriblement humain que celui-là : s'acharner physiquement, comme pleurer, apportait une certaine sérénité.
Bien que considérablement amoché, le premier véhicule n'était pas arrivé au bout de ses peines. Il fallait cependant que la délinquante retrouve sa batte pour terminer son œuvre, et elle avait une affaire plus urgente à régler.
Si elle referma son couteau papillon dans un crissement métallique, l'Irlandaise ne le fit pas disparaître dans sa poche pour autant. Elle s'approcha doucement du motard, le regard assassin, avant d'attraper l'appareil de surveillance qu'il avait dans les mains. Llewyn fit un bond en arrière pour l'empêcher de lui reprendre son butin, ses prunelles tombant sur l'écran qui retraçait les dernières minutes. Plus que de se savoir prise à jamais sur la pellicule numérique, ce fut sa propre image qui l'étonna. Les dix pounds qu'ajoutait la caméra n'étaient donc pas qu'une légende urbaine …
« Arrête de déconner, Vaughn. Tu me suis, me filmes, travailles d'une manière ou d'une autre pour Highman. Je t'appréciais jusqu'à maintenant, mais je commence sérieusement à revoir mon jugement. Elle s'éloigna d'un pas de plus pour mieux reprendre : réponds-moi simplement : qu'est-ce que tu fous ici ? Il te paie pour quoi, l'autre crevard ? Et évite de me lancer une question en retour, ça a tendance à m'irriter. J'avais pas forcément envie de corriger ton sourire charmeur, mais j'ai fait cracher des dents à des types pour moins que ça. »
Et cependant qu'elle crachait ses questions, elle resserra sa prise, tant sur la caméra que sur son couteau.
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❝Vaughn I. Dixon❞
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Sur l'écran minuscule de l'appareil, je fais défiler les images en accéléré, maître du temps. Rien ne bouge hormis les branches qui s'agitent en sursauts à cause du vent. Puis apparaît la silhouette casquée de ma rousse filante. Je souris. Et stoppe la séquence. J'ai déjà tout vu. Et je suis désormais certain que le film a été capturé. Ça me fait un double effet : j'ai enfin acheté la mini-caméra qui tient ses promesses, le professionnel que je suis est satisfait. Je viens de filmer cette femme, inconnue nommée, que j'apprécie sans connaître, que je ne veux pas détester. Hors contexte, c'est bizarre.
La délinquante a repris son travail et le fracas de son œuvre me fait froncer les sourcils. Pas moyen de cogiter en paix. Concentré sur le boitier je joue avec les options, jette un œil à la durée puis au poids du fichier comme s'ils avaient un intérêt... Enfin Llewyn daigne me calculer.
J'ai envie de sourire, de célébrer la fin du carnage sur le véhicule et je laisse naïvement mes mains - et ce qu'elles détiennent - à sa portée. Elle s'empare de la caméra en vociférant. Bon sang, elle n'est clairement pas nette cette rouquine !
« Arrête de déconner, Vaughn. Tu me suis, me filmes, travailles d'une manière ou d'une autre pour Highman. Je t'appréciais jusqu'à maintenant, mais je commence sérieusement à revoir mon jugement.
" Eh ! Rends-moi ce truc, déconne pas ça vaut deux-cents dollars ! "
Elle s'éloigne pour esquiver mes tentatives de récupération. C'est du vol ! Je peste et tandis que ses propos se réitèrent dans mes pensées, mes yeux captent le couteau entre ses doigts. ... Effectivement. Elle pourrait croire que je l'ai suivie. Mais comment explique-t-elle la caméra déjà planquée ? Non, je ne vais pas pouvoir y échapper. Va falloir lui dire.
Réponds-moi simplement : qu'est-ce que tu fous ici ? Il te paie pour quoi, l'autre crevard ? Et évite de me lancer une question en retour, ça a tendance à m'irriter. J'avais pas forcément envie de corriger ton sourire charmeur, mais j'ai fait cracher des dents à des types pour moins que ça. »
" Je ne t'ai pas suivie. "
Dis-je avec une évidence déconcertante. La suivre depuis où exactement ? S'imagine-t-elle que je l'ai finalement filée jusque chez elle la dernière fois ? Ce serait tordu. Je secoue la tête et continue de réduire la distance entre nous - autant que faire se peut.
" Highman me paye pour trouver le responsable de ce ...massacre. J'suis enquêteur. Il a signé pour une semaine de planque. Tu viens de réduire le contrat à une soirée. Merci. "
Je désigne la voiture sans quitter l'irlandaise des yeux. Ou plutôt son couteau. Quand le décor l'empêche de se dérober davantage, j'arrête ma progression. Inutile d’oppresser une femme armée qui est persuadée d'avoir été suivie. Avant de retrouver le sourire, j'agite le menton en direction de sa lame repliée.
" Je ne doute pas de ta capacité à faire cracher des dents mais avec ça, il te sera plus facile de m'égorger. Ce serait dire adieu au sourire charmeur. "
Je fanfaronne, pourtant je ne me sens pas en sécurité. Non, Llewyn ne m'inquiète pas. Mais qui est vraiment cette masquée énervée ? On rencontre quelqu'un, on se fait une idée selon quelques minutes d'échange, on dresse un portrait à partir de rares images, notes erronées par nos envies, nos clichés.
" Moi aussi, j't'appréciais. "
Un sourire, un haussement d'épaules, je tends la main pour qu'elle me rende mon bien. Ma chaussure fait grincer une poignée de graviers tandis qu'une branche que j'ai certainement abimée lors de ma stupide ascension tombe à retardement. Bordel. Je suis sur les nerfs. Non, je n'ai pas peur. Pas peur d'elle. Mais ça me fait effectivement chier : elle m'appréciait ;
" Tu vas me dire maintenant, ce que ce connard t'a fait ? "
Ce pourrait être tout et n'importe quoi. Lié à sa boîte ou une histoire privée. Un truc bateau, ou bien plus dégueulasse que de se faire suivre par un pseudo camarade motard. Mon imagination créé des illusions pénibles, je secoue la tête.
" Llewyn range ce couteau, je ne vais rien te faire moi ! "
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❝Llewyn Oswell❞
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Ce n'était pas tant une menace qu'un moyen de le dissuader de jouer au con. Une fraction de seconde suffisait à révéler la lame d'un balisong lorsqu'on savait le manier. Depuis le temps que Llewyn usait de cette arme, elle avait appris à l'ouvrir en un battement de cils et de cœur. Si elle ne comptait pas réellement trouer le cuir de Vaughn en lui enfonçant son poignard entre les côtes, elle pouvait en revanche faire scintiller le métal tranchant pour lui rappeler de se tenir éloigné si elle le jugeait nécessaire. S'il tentait de récupérer les deux-cent dollars qu'elle tenait fermement dans sa main gauche, par exemple.
L'Américain lâcha sur un ton désagréable, comme s'il énonçait une évidence impossible à voir :
« Je ne t'ai pas suivie. Highman me paye pour trouver le responsable de ce ...massacre. J'suis enquêteur. Il a signé pour une semaine de planque. Tu viens de réduire le contrat à une soirée. Merci. »
L'Irlandaise ne desserra ni les dents, ni les poings. Elle souffla pourtant en son for intérieur, rassurée de n'avoir plus à considérer Vaughn comme un ennemi, une menace, quelqu'un envoyé pour lui faire le portrait comme elle avait fait celui des véhicules d'entreprise. Pour autant, son partenaire de course pouvait encore la trahir en allant siffler son nom aux oreilles du commanditaire. Il n'y avait pas tant de Llewyn que cela à Charming, il ne lui faudrait pas dix minutes pour trouver son identité complète, enquêteur ou non.
« Je ne doute pas de ta capacité à faire cracher des dents mais avec ça, il te sera plus facile de m'égorger. Ce serait dire adieu au sourire charmeur. »
Pour la deuxième fois en une semaine, le rien d'humour de son interlocuteur lui parut inapproprié.
« Moi aussi, j't'appréciais, continua-t-il. »
Un pincement au cœur, un sursaut du palpitant. Vaughn tendit la main pour récupérer son matériel, approchant à pas feutrés. Il gardait cependant une distance de sécurité plus que compréhensible si on considérait que la méfiance de Llewyn lui faisait conserver sa prise sur son arme.
« Tu vas me dire maintenant, ce que ce connard t'a fait, ordonna-t-il doucement. Llewyn range ce couteau, je ne vais rien te faire moi ! »
Lentement, l'Irlandaise se pencha vers le Son pour lui rendre son bien.
« Tu as mal investi tes deux-cents dollars … L'objectif déforme, je suis moins épaisse que j'en ai l'air à l'écran. »
Sa voix de disque de jazz rayé eut une inflexion boudeuse. Llewyn inspira longuement, ses épaules se soulevant sous sa respiration. Elle baissa le regard vers son balisong, ses doigts blanchis de l'avoir trop serré. Un cliquetis froid et métallique se fit entendre quand elle le verrouilla finalement pour le faire disparaître dans sa poche.
La jeune femme releva le nez vers le quadragénaire. Si elle fut tentée de se démasquer pour se montrer plus coopérative qu'elle avait pu l'être jusqu'à maintenant, elle se rappela que la caméra de l'enquêteur n'était peut-être pas la seule à surveiller la rue. Aussi garda-t-elle son casque bien vissé sur son crâne.
« J'ai eu un souci chez moi. Une merde assez contraignante. »
Elle plissa le nez en songeant au trou béant qui crevait le mur de la salle-de-bains, là où se trouvait auparavant un lavabo suspendu qui, en tombant, avait arraché dans sa chute une bonne partie du placo sur lequel il tenait et causé un dégât des eaux assez important. Un incident bête qui aurait pu être anodin si la maison qu'ils louaient était assurée, tant de leur initiative que de celle du propriétaire. Mais puisque l'État de Californie n'imposait pas de souscrire une quelconque protection pour les habitations, et Llewyn n'ayant à aucun moment imaginé qu'elle serait assez lourde pour faire céder un évier sous son poids, jamais aucun contrat n'avait été fait pour garantir quoi que ce soit.
« C'est un … Elle fit un effort dans son choix de mot : ami qui m'a conseillé Highman. Sa boîte devait se charger des réparations sans les déclarer. Je payais un peu plus, mais j'étais tranquille, et mon propriétaire ne me crucifiait pas en retour. Sauf que ce connard me l'a mise à l'envers. Je me retrouve avec un trou sur mon compte, dans ma salle-de-bains parce que ses employés ont fait un travail de merde, et avec en prime le proprio qui érige un bûcher pour m'y jeter si je ne trouve pas une solution rapidement pour rendre à son bien sa superbe … »
Cette superbe, d'ailleurs, Llewyn peinait à la voir.
« J'ai bien essayé de parlementer calmement avec Highman, mentit-elle éhontément, mais rien à faire. Il n'a jamais entendu parler de moi et ne me dois donc rien. Elle désigna les voitures. J'essaie de lui rafraîchir la mémoire comme je peux … »
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❝Vaughn I. Dixon❞
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Cette soirée planque, Highman me la doit. Je sais qu'il refusera de me la payer dès que je lui aurais fait part de mon intention d'annuler la mission. De rompre le contrat. Mais il me la doit, et je me ferai payer. Je me surprends à être honnête au point de relever l'heure pour ne lui facturer que le temps passé ici, jusqu'à ce que l'Irlandaise vienne brouiller mes plans.
« Tu as mal investi tes deux-cents dollars … L'objectif déforme, je suis moins épaisse que j'en ai l'air à l'écran. »
Je range la caméra dans mon blouson et lorsqu'elle replace le couteau - certes fermé, dans sa poche, je me dis que la crise de la pilote est passée. Elle ne risque plus de me confondre avec la Toyota à défoncer. Ceci dit je suis certain que Llewyn a les moyens d'abîmer mon superbe faciès à mains nues.
" C'est sûr. "
Confirmons sans donner le moindre avis à propos de son épaisseur. Je ne prendrai pas le risque de la contredire mais je ne peux retenir le sourire qui fend mon visage. Ah, les femmes.
Les muscles bandés de mon dos se dénouent au fur et à mesure que la rouquine développe ses raisons. Je n'ai rien d'un grand bricoleur mais son histoire fait écho à tellement d'emmerdes déjà vues, vécues ou au moins entendues. Dans mon estime, le branleur pathétique Highman est promu au rang d'enfoiré fini. Je fixe le regard de Llewyn perdu au milieu de son casque et pousse un soupir compatissant.
« [...] J'ai bien essayé de parlementer calmement avec Highman, mais rien à faire. Il n'a jamais entendu parler de moi et ne me dois donc rien. J'essaie de lui rafraîchir la mémoire comme je peux … »
" Je vois ... Mais ça, ça ne va pas réparer ton mur. "
En revanche la sanction est méritée, amusante et bien réalisée. Je finis par rire en imaginant la tête de l'enflure demain matin. Je pourrai lui rendre visite plus tard, rien ne presse, je suis juste trop impatient de l'abandonner dans sa merde.
" Bon, désolé d'avoir dérangé la justicière rousse-masquée. T'as quand-même fait du beau boulot. D'ailleurs... "
Je lui tourne le dos pour repérer l'outil de sa vengeance avant d'aller le récupérer. Jolie batte. Lointains souvenirs. Dépoussiérant quelques réflexes, je fais tournoyer un instant l'objet avec une habileté que je pensais perdue. Puis je me place devant le par-brise dégommé.
" Tu permets ? "
C'est son jouet, sa cible, son problème. Mais je veux y participer un minimum, pour m'excuser un peu et m'amuser surtout. C'est trop tentant.
L'absence de refus explicite me donne le feu vert. Bras tendus au-dessus de la tête, les mains agrippées sur le bas du manche, les appuis bien solides au sol, je prends un élan puissant et abats le morceau de bois contre la vitre qui, déjà bien fragilisée, explose et se détache de la carcasse dans un bruit étonnamment propre. Le silence revenu, j'admire un instant puis reviens à l'Irlandaise, tout sourire, pour lui rendre l'excellente arme et sa transe vengeresse empruntée pour le geste.
" Je dirai à Highman que les délinquants - quatre hommes minimum ! - m'ont repéré. Il est plus prudent pour moi d'arrêter les frais, j'ai beaucoup trop peur. "
Air innocent qui ne me va probablement pas bien, je jubile d'avance. Non seulement je vais me foutre ouvertement de sa gueule, mais je vais tenter de lui glisser deux mots au sujet des nombreux dossiers qu'il traite si mal... L'homme ne retient pas plus mon attention.
" Rassure moi, je me suis rattrapé ? Ou j'ai grillé définitivement toutes mes chances d'être, appréciable. "
Pour reprendre le terme qu'elle a utilisé plus tôt. Il semblerait que cette histoire me reste en travers de la gorge. C'est anormal. Mon sourire confiant, quasi présomptueux, s'efface sous un drôle de pressentiment.
Et toi, l'irlandaise, tu en penses quoi ?
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❝Llewyn Oswell❞
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Le trou dans son porte-feuilles ne bénéficierait guère des assauts répétés qu’elle conduisait contre les charrettes ennemies, mais son humeur, elle, ne pouvait pas en souffrir. Llewyn était une véritable bombe à retardement : souvent contrariée contre tout, et pour rien, elle avait la sale manie d’accumuler entre deux explosions - somme toute fréquentes. Ses nerfs constamment en pelote se détendaient quelque peu quand elle expiait sa rage en détruisant quelque chose. De quoi lui laisser un peu de répit avant la nouvelle montée de tension. Il valait de toute manière mieux s’attaquer à des biens matériels ou à quelqu’un d’autre que se saborder soi-même.
« Je vois ... Mais ça, ça ne va pas réparer ton mur. »
Un clappement de langue entendu répondit à l’Américain qui finit par échapper un rire. Sûr que les choses ne s’arrangeraient pas ainsi. La jeune femme pourrait ravager toutes les voitures de la société de réparations que la situation resterait la même : il lui faudrait toujours et encore se brosser les dents dans la cuisine et tenter de tempérer un propriétaire sur le point de l'empaler. Elle comptait bien trouver une solution, et vite. Un nouveau coup de fil à Highman pour prendre des nouvelles de son parc automobile lui semblait acceptable, par exemple.
« Bon, désolé d'avoir dérangé la justicière rousse-masquée. T'as quand-même fait du beau boulot. »
Llewyn accueillit le compliment dans un rire muet. Elle porta dramatiquement une main à son cœur, touché par cette réflexion. Des années de pratique, et voilà que la reconnaissance tombait ! Doucement sifflée par un adversaire, un potentiel ennemi soudain complice.
« D'ailleurs... »
Vaughn s’en détourna, quittant le trottoir pour retrouver la route et l’arme contondante qui attendait toujours qu’on daigne lui reporter de l’attention. L’expatriée, dans un sursaut de l’instinct, se tendit légèrement lorsqu’elle le vit se pencher pour la ramasser. Ses sourcils s’unirent à nouveau quand il revint, jouant avec la batte.
« Tu permets ? »
Elle n’eut pas le temps de répondre que déjà le quadragénaire regagnait une nouvelle jeunesse délictueuse en abattant la tige de bouleau sur le pare-brise qui poussa son dernier gémissement de douleur avant d’abandonner ses positions. Il grinça en tombant sur le capot, et le front de Llewyn se plissa cette fois d’étonnement. Son palpitant cracha dans son sang un étrange sentiment de satisfaction qui délesta le poids qui plombait encore ses épaules frêles. Elle n’avait donc pas tort, la semaine passée. Le motard savait se faire protecteur de la veuve et de l’orphelin.
Les lippes de la rouquine s’étirèrent légèrement quand son interlocuteur s’approcha pour lui rendre son bien. Elle récupéra sa batte dans un hochement de tête signalant sa gratitude.
« Je dirai à Highman que les délinquants - quatre hommes minimum ! - m'ont repéré. Il est plus prudent pour moi d'arrêter les frais, j'ai beaucoup trop peur. - Oui, tu as l’air terrorisé, effectivement … »
Son ton faussement plaintif ajoutait à l’air angélique de Vaughn. Elle ne pouvait nier apprécier son attitude, cette façon désinvolte d’abandonner la poursuite et sa mission auprès du chef d’entreprise pour sauver la peau d’une femme qu’il connaissait à peine. Tout juste savait-il son prénom et son accent ; c’était bien peu face à la paix qu’il venait de lui offrir. Vieux réflexe de chevalier contemporain en armure de cuir ou solidarité entre amateurs de deux roues ? La furie apaisée ne chercha pas à trancher.
« Rassure moi, je me suis rattrapé ? Ou j'ai grillé définitivement toutes mes chances d'être, appréciable. » - Tu t’en sors … à peu près, accorda-t-elle en levant les yeux au ciel, amusée. »
Il ne comptait pas la livrer en pâture à sa némésis, c’était suffisant à redorer son blason. Llewyn s’en contenterait, en tous cas.
L’Irlandaise resserra sa prise sur sa batte avant de pivoter sur elle-même pour continuer ce qu’elle avait commencé. Sa grippe ferme sur le manche de bois, elle se posta légèrement de profil par rapport au pare-brise de la seconde voiture qu’elle congratula d’une série de frappes jusqu’à ce qu’il craquèle dans le même motif de toile d’araignée qui ornait son prédécesseur.
Elle demanda, s’approchant de la face latérale du véhicule que la batte salua une première fois de près :
« Ta proposition d’aller boire un verre tient toujours ? J’ai presque terminé ma journée de travail, tel que tu le vois, et je crois que je dois une bière à l’inspecteur des travaux finis. »
Il y eut un sourire dans sa voix rouillée. Llewyn s’immobilisa, se reposant un instant sur sa batte plantée au sol. Elle se tourna vers l’Américain, les paupières légèrement plissées dans une expression suspicieuse.
« À moins que tu aies d’autres gonzesses destructrices de voitures à surveiller cette nuit ? »
Et pour ponctuer sa phrase, elle se redressa et asséna un nouveau coup, rauque, franc, qui fit se morceler le verre trempé ornant la portière passager.
Elle lui devait bien ça. Tant pour avoir sérieusement songé à le poignarder que pour lui avoir fait perdre le plaisir d’un compte-rendu d’enquête en bonne et due forme.
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L'air terrorisé peut être pas, mais la caractérielle a malmené mes nerfs l'espace de plusieurs minutes. Suspecte dans ses agissements, furieuse contre les éléments, dangereuse. Contre moi peut être ? Contre cette idée que je m'étais fait d'elle, que j'aimais envisager. Je ne suis pas terrorisé. Llewyn n'a heureusement rien abîmé du portrait de ma rousse-filante.
Son sourire puis sa gracieuse indulgence au sujet de ma personne me rassurent plus qu'ils ne devraient. J'acquiesce, satisfait de n'avoir pas définitivement gâché notre non-relation. Sourcils froncés je laisse mes pensées s'emmêler avec rien tandis que l'irlandaise retourne à sa tâche, impassible, ma présence imprévue ni la conversation n'ayant estompé sa colère.
J'attends. J'attends en observant le véhicule numéro deux se faire défoncer. Il espérait sans doute passer à trav'. J'attends, sans quitter des yeux la frêle silhouette dont la tête paraît disproportionnée à cause du casque. Elle fait encore plus fine, Llewyn.
« Ta proposition d’aller boire un verre tient toujours ? J’ai presque terminé ma journée de travail, tel que tu le vois, et je crois que je dois une bière à l’inspecteur des travaux finis. »
Mains dans les poches, je penche le visage sur le côté pour analyser la demande. Rien de sorcier, rien qui soit suffisamment original pour me faire planter. Et pourtant. La dernière fois c'était trop tôt. C'était mieux de la regarder partir et essayer de résumer au calme la rencontre de ma rivale. Ce soir c'est certainement mieux de sortir. Mieux parce que l'idée de rentrer maintenant me dérange.
« À moins que tu aies d’autres gonzesses destructrices de voitures à surveiller cette nuit ? »
Avant qu'elle ne pense à une hésitation de ma part, j'acquiesce. Ça me laisse du temps pour préparer une réponse du genre " Aucune, t'es ma première comment peux-tu en douter ? Et la proposition tient carrément, tu me dois bien ça. Viens, je connais un établissement sympa plus haut. " Mais les mots s'échappent de ma bouche, bâtards, avec moins de prétention et une subtilité proche du néant :
" Elle tient toujours. Mais dis-moi... tu comptes retirer ton casque et lâcher la batte à un moment ? Ou c'est pour les "autres gonzesses" ? "
Allez savoir si j'ai été inspiré par ce dernier coup fracassant qu'elle assène à la voiture ou si je suis juste mauvais. Je m'accorde la première option. Faisant un premier pas en direction de la guerrière avec un signe de la main pour balayer ma réplique précédente, je reprends :
" T'es en moto ? "
Je l'aurai peut être entendue arriver. Le casque juste pour l'anonymat ? Elle n'a peut être pas de voiture - après cette scène digne d'un génocide, ça ne m'étonnerait pas.
" Je peux t'emmener. Je reprends un brin d'assurance et me positionne suffisamment près pour admirer correctement son regard, jusqu'alors dissimulé dans l'ombre de son heaume. Fais pas cette tête... T'es ma destructrice de voitures préférée. "
Allons boire. parlons. De moto, de Highman si elle le souhaite, de plomberie. De Charming, de boulot. De tout ce qui me fera penser qu'entre camarades de course c'est naturel et tranquille de partager une bière. De tout ce qui pourrait me distraire de ses yeux clairs et perçants, de son parfum insolent, envoûtant, de ces reflets roux semés un peu partout de ses cheveux à ses joues. Parlons pour que mes incohérences continuent de semer le doute.
" Tu connais le Betty's ? "
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Le temps n’eut pas l’occasion d’égrainer une seconde ; déjà Vaughn acceptait la proposition. Mains dans les poches, l’air absent, il opina du chef. Llewyn le surveilla du coin de l’œil, son attention bien plus portée sur son interlocuteur que sur la seconde vitre latérale à laquelle elle s’attaqua. Le geste était presque devenu machinal : c’était à peine si elle avait besoin de regarder ce qu’elle faisait.
« Elle tient toujours. Mais dis-moi... tu comptes retirer ton casque et lâcher la batte à un moment ? »
Et laisser l’occasion aux hypothétiques caméras de la rue d’immortaliser ses exploits comme lui l’avait fait ? Elle aimait mieux garder éternellement son heaume que de se vendre de la sorte. Highman, s’il portait plainte en la reconnaissant, sortirait vainqueur de leur querelle. Il avait déjà emporté trop de combat depuis le début de cette histoire pour qu’elle le laisse gagner la guerre en prime. Il valait mieux rester anonyme, quitte à repousser encore l’instant où Vaughn pourrait se satisfaire de ses traits de tempête de feu. Le motard avait de toute façon vu son casque plus souvent que ses taches de rousseur. Nul doute qu’il pourrait tenir quelques minutes de plus.
« Ou c'est pour les "autres gonzesses" ? »
La jeune femme tiqua, suspendant son geste une fraction de seconde avant d’abattre la batte contre le verre trempé qui crépita de douleur. L’esquisse d’un sourire amusé se dessina sur ses lèvres dissimulées. S’il avait voulu la faire réagir, Vaughn avait parfaitement réussi son coup. Était-ce la forme ou le fond des propos du quadragénaire qui avait tant piqué son âme ? L’Irlandaise doutait bien n’être pas la seule femme enragée en ville. Des demoiselles torturées par quelque sentiment hargneux, on en trouvait à tous les coins de rue. Mais les âmes empreintes de fougue gaélique, d’une colère romanichelle et d’une rancune destructrice, on en comptait probablement moins. Égoïstement, elle aurait aimé être la seule dans le petit monde de son interlocuteur. Au moins pour ce soir.
« T’es en moto ? Je peux t’emmener. »
Llewyn hocha la tête, silencieuse. Elle prit un peu de recul pour contempler son œuvre quand le quadragénaire avalait les quelques mètres qui les séparaient. Ses yeux noirs happèrent les prunelles claires de la rouquine, et il y eut un instant de flottement, de trouble, qu’elle avorta en retournant à son observation critique.
« Fais pas cette tête… T’es ma destructrice de voitures préférée. »
La rançon de la gloire. Elle avait trop d’expérience dans ce domaine pour se satisfaire d’une seconde place. Sans être plus compétitrice que cela, elle n’aurait pas apprécié se trouver ailleurs que sur la première marche du podium mental érigé par son interlocuteur.
« Merci, ça me touche. »
Le ton sarcastique dont elle usa ne changeait guère des petites piques dont elle le félicitait de plus en plus. Llewyn craignait y prendre lentement goût. Elle n’avait jamais eu la langue dans sa poche, bien au contraire. Toujours bonne première lorsqu’il s’agissait de taquiner l’un de ses frères de rang, elle se plaisait à honorer de temps à autre le reste du monde de ce talent inné. Certains dons étaient faits pour être partagés.
« Tu connais le Betty’s ? »
La jeune femme acquiesça d’un signe de tête. Charming n’était pas une si grande ville que cela ; à peine un dixième de la taille de Belfast, en surface comme en nombre d’habitants. Elle s’étonnait d’ailleurs de n’avoir jamais croisé les prunelles noires de son compagnon de route avant. Quatre ans à parcourir les boyaux de ce petit havre de paix, au moins autant de temps à fréquenter des Sons of Anarchy pour le labeur comme pour le plaisir, et il avait fallu attendre la semaine passée pour enfin croiser Vaughn. Le croiser en tant qu’homme ayant un visage et une identité, non en tant qu’adversaire inconnu. Ce jeu de probabilités, s’il infirmait la théorie qui voulait que le monde fût petit, ne pouvait pour autant effacer des esprits que cette cité de perdition n’était pas bien étendue. On en faisait le tour assez rapidement, à pieds comme à deux roues. Les bars étaient nombreux, les bonnes adresses un peu moins, et chacun avait sa préférence qu’il défendait bec et ongles lorsqu’on cherchait à lui faire entendre qu’il y avait meilleure bière ailleurs. Le Betty’s, en l’occurrence, n’était pas le lieu de pèlerinage favori de la rousse. Elle lui préférait de loin le Prancing Pony ou le Howling Siren ; des classiques.
« Je suis en voiture, je te rejoins là-bas, finit-elle par lâcher. »
Elle sortit de son immobilisme contemplatif, darda à nouveau ses orbes gris sur Vaughn pour lui offrir un regard mutin, pétillant de malice. L’Irlandaise, contentée dans son besoin de vengeance pour ce soir et s’étant mise en branle pour retourner au carrosse emprunté à Siobhan, s’arrêta à hauteur du brun. Effrontée, elle lui tapota le torse avant de siffler :
« Vas-y déjà, ça te laissera un peu d’avance. Je ne voudrais pas arriver avant toi … Elle reprit sa marche, sa batte sous le bras, scandant doucement sans se retourner : à tout de suite ! »
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❝Vaughn I. Dixon❞
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La brise qui conduit son parfum jusqu'à moi devient plus violente. Les mèches folles de Llewyn, à moitié piégées sous le casque, s'agitent de plus belle et le silence installé depuis la fin du carnage de voitures est interrompu par le bruissement des branches, le sifflement de l'air à travers les rayures fraîches des carrosseries. Il ne fait pourtant pas froid. Le seul coup de batte que j'ai donné a animé en moi une agréable fièvre. Impatience. Agitation. Le coup de batte et l'échange grisant de répliques avec l'irlandaise.
Je n'aurai pas le loisir d'admirer son visage mutin pour l'instant. Je ne saurai pas non plus ce qu'elle a l'intention de faire de ses accessoires de justicière vengeresse quant à l'établissement mentionné, c'est comme si je m'étais adressé aux restes du par-brise. En revanche, j'apprends que Llewyn est venue en voiture. Je l'imagine alors derrière un volant trop large pour elle dans un habitacle qui la dissimule de manière regrettable. Non, seule la Norton est à la hauteur, à mon sens ;
" On se rejoint là-bas. "
Répétition pour confirmer son choix, je fais mes poches à la recherche des clés de voiture. La caméra. Le paquet de clopes. Le briquet. Un stylo. Avant que la ribambelle d'injures qui naissait sur mes lèvres puisse s'échapper, je mets enfin la main sur le trousseau.
« Vas-y déjà, ça te laissera un peu d’avance. Je ne voudrais pas arriver avant toi … [...] à tout de suite ! »
Quand la jeune femme s'arrête à ma hauteur pour flatter le cuir de mon blouson, je hausse un sourcil faussement impérieux en fixant sa main. Est-elle constamment en train de provoquer les autres ? L'humour et l'ironie font-ils partie de ses meilleurs amis ; elle aussi ? Je l'observe partir - à défaut d'avoir admirer son joli minois je laisse mon regard glisser plus bas - et fais tourner mes clés, le doigt passé dans l'un des anneaux.
" Ta Norton est plus rapide que la Harley, Llewyn, mais je suis plus doué que toi."
La technique contre l'expérience. Son indéniable talent face à mes railleries. Nous savons tous les deux quels sont les réels avantages mécaniques et pratiques de sa bécane. C'est ce qui lui a permis d'être constamment gagnante sur nos courses. Même mes années de conduite ne m'ont jusqu'alors jamais laissé prendre le dessus bien longtemps. Est-ce qu'une course dans les formes de l'art, avec lignes de départ et d'arrivée, chrono et parcours déterminé, changerait la donne ? Je n'en suis pas certain ; Mais nous sommes en voiture ce soir et je suis persuadé de la battre ici. Et dans tous les autres domaines. Lui en accorder un seul - la moto qui plus est - m'est déjà assez douloureux.
Après avoir replacé le matériel vidéo dans un sac fermé, je prends la route du Betty's. C'est à bar à bières chaleureux, vieux, avec une clientèle d'habitués joyeux et une équipe très dévouée. Je n'ai pas de lieux préférés pour boire un coup mais celui-ci a l'avantage d'être peu exposé aux règlements de comptes et autres débordements foireux. Je le trouve parfois trop calme et je déteste ces chaises qui me niquent le dos. S'il reste des fauteuils libres, ce sera parfait. Rien ne devrait m'empêcher de savourer ;
Une fois mon large Ram Pick-up gris sur le parking, j'évite de scruter trop attentivement les autres véhicules. Il n'y pas la place pour plus de dix voitures. J'en compte six. Elle jubilerait de me voir réagir si sa caisse est mieux que la mienne, du coup, je n'insiste pas et entre dans le bar. Immédiatement accueilli par les effluves de boissons amères, de l’encens que la propriétaire fait brûler en fin de soirée et de l'ancien bois vernis, je retrouve aussi les sons continus du léger brouhaha, des verres qui s'entrechoquent, du souffle de la mousse qui s'échappent des différentes tireuses. Puis l'exclamation légèrement désagréable de la légendaire Betty me confirme que je n'ai pas ouvert la mauvaise porte : la ronde quadragénaire m'offre deux énormes bises qui laissent sur ma joue la trace d'un rouge à lèvres collant. Heureusement je parviens à m'échapper rapidement pour me diriger vers le dernier fauteuil contre le mur du fond.
Je n'ai pas le temps de m'assoir que la porte s'ouvre sur la rousse-filante.
" J'allais commander ma deuxième conso ! Tu t'es perdue ? "
Par crainte que la tornade blonde aussi haute que large lui tombe dessus ou parce que je redoute de voir Llewyn fuir mes remarques stupides : je fais les quatre pas qui nous séparent et lui indique l'assise que j'avais choisi.
" T'es chauvine au point de ne boire que des bières de chez toi ? Ils en servent quelques une ici, je crois. "
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❝Llewyn Oswell❞
Messages : 267 Date d'inscription : 24/12/2019 Faceclaim : Polly Ellens Copyright : étangs noirs (ava) - frimelda (signa) Âge : 29 ans Aka : Oz Côté ♥ : Divorcée. Célibataire, donc. Métier : Transporteuse. Gang : Bithbeo
Derrière elle, Llewyn entendit son adversaire fanfaronner, un grand sourire dans la voix. Ses épaules se soulevèrent sous le rire fluet qui passa ses lèvres. Elle ne doutait pas des capacités de pilote de son adversaire lorsqu’on le plaçait derrière un volant mais n’aurait pour autant parié sur sa victoire. S’il était une chose qu’elle savait faire, c’était tenir l’asphalte. À bord d’une malheureuse Honda Civic, d’un trente-trois tonnes ou d’une pony car, la rouquine se défendait mieux que nombre de ses pairs. Mais Vaughn n’avait pas besoin de le savoir. Pas tout de suite en tous cas. Elle aurait peut-être l’occasion de lui prouver un jour. D’ici là, elle se contenterait d’écraser la fierté masculine dans leurs courses à deux roues.
Il ne fallut que deux minutes à l’Irlandaise pour rejoindre la voiture abandonnée dans une rue adjacente. Le coffre ouvert, elle se débarrassa de l’arme de son crime comme de son masque avant de le refermer pour prendre place dans l’habitacle. Quelques pressions sur l’accélérateur plus tard, Llewyn immobilisait le véhicule devant le bar convenu.
La lourde porte grinça sur ses gonds en se refermant, sa plainte cependant couverte par le bruit ambiant qui régnait dans l’établissement. Une odeur feutrée d’encens et authentique de rade américain tel qu’on se le figurait dans les chefs-d’œuvre du cinéma hollywoodien enserra l’expatriée à peine elle fut entrée. Ses prunelles claires balayèrent les lieux avant de tomber sur Vaughn qui la rejoignait tout juste. Llewyn eut un instant d’hésitation en le voyant approcher ; non qu’elle regrettait d’être venue, plutôt qu’elle fut surprise des marques rouges qui ornaient ses joues et qui, dans la demi-obscurité de la rue, ne lui avaient pas sauté aux yeux. Le rapide coup d’œil qu’elle jeta à la tenancière derrière son zinc et le rouge-à-lèvres criard qu’elle arborait suffit à ce que son imagination fertile rejoue la scène qui avait dû se dérouler quelques secondes avant qu’elle n’entre. Le Son était donc un habitué ? Elle fit mine d’être aveugle, tentant de porter son attention ailleurs. Les orbes noirs de son interlocuteur, en l’occurrence, faisaient une bonne distraction. Et elle s’efforça de soutenir son regard pour ne pas trahir le rien d’amusement qu’elle avait à le voir maquillé bien malgré lui.
« J’allais commander ma deuxième conso ! Tu t’es perdue ? - J’étais garée loin, se défendit-elle immédiatement. Et je voulais être sage, j’ai respecté les limitations de vitesse pour venir. »
Elle mentait un peu, au moins autant que lui. Les mains vides du quadragénaire et la table nue de tout verre qu’il lui indiquait le trahissaient déjà bien assez, mais c’était surtout la porte qu’elle avait vu se fermer derrière lui en arrivant à hauteur du bar qui démentait ses propos. Si doué qu’il devait l’être, la jeune femme doutait franchement qu’il ressentait encore le besoin de descendre ses bières d’une traite comme pouvaient le faire les adolescents. On apprenait à savourer ce qu’on buvait, passé un certain âge, la recherche gustative prenant souvent le dessus sur la recherche d’ivresse.
« T’es chauvine au point de ne boire que des bières de chez toi ? Ils en servent quelques une ici, je crois. - Non, je n’ai rien contre un peu d'exotisme, je me laisserai tenter par les saveurs locales. »
Elle parcourut les quelques mètres qui les séparaient de leur table, et, arrivée à destination, se défit de son blouson. L’Irlandaise abandonna nonchalamment le cuir sur le dossier de son siège, dévoilant un pull noir, fin, d’une sobriété écrasante, dont le col grimpant haut sur le décolleté ne laissait apparaître de ses tatouages que la ligne de motifs répétés qui soulignait ses clavicules. Elle n’avait pas accordé d’attention particulière à sa tenue, ne se doutant à aucun moment que la nuit se poursuivrait en face de Vaughn. Quand bien même elle l’aurait su, elle n’aurait certainement pas fait d’effort non plus. La jeune femme se laissa choir dans le fauteuil avec une élégance et une distinction toute particulière, échappant un soupir de satisfaction. Il n’y avait rien de plus agréable, après une nuit de massacre, que de se lover dans une assise de cuir affaissée avec les années et le nombre de séants qu’elle avait vu de trop près.
Dans un geste vif, elle attrapa la carte de l’établissement et parcourut des yeux les propositions de bières et de whiskeys quand son interlocuteur s’installait à son tour. Un nom particulier retint son attention, et elle reposa le menu gorgé d’éthanol sur la table.
« Qu’est-ce que je vous sers, demanda une voix ronde dans son dos. »
Llewyn leva le nez vers la blonde tout en courbes et en bonhomie qui se posta à côté d’eux, les mains sur ses hanches plantureuses.
« Une IPA ! - Pinte ? - Aye, pinte. Merci ! »
Betty opina du chef, notant la consommation dans un coin de son cerveau avant d’accorder son attention à Vaughn. Elle clappa sa langue contre son palais, eut un petit rire franc et essuya maladroitement de son pouce la trace de lèvres imprimée sur la joue gauche du quadragénaire. La tentative, vaine, ne fit qu’étendre un peu plus la matière, pour le plus grand plaisir de Llewyn qui dut se concentrer pour ne pas se moquer ouvertement de son compagnon de soirée.
« Tu aurais pu faire un effort et effacer ça, franchement ! Qu’est-ce qu’elle va en penser, ton Irlandaise ? »
L’adjectif possessif ne suffit pas à effacer le sourire retenu de l’intéressée. Le coude planté sur le bras du fauteuil, elle écrasa ses lèvres contre son poing fermé dans l’espoir de garder un peu de contenance. C’était qu’elle ne souhaitait pas paraître trop narquoise dès l’entrée de jeu.
« Ne t’inquiète pas, surtout, ajouta la blonde. Je te le laisse sans rancune ! - Bien urbain, couina la rousse, tout sourire. - Qu’est-ce que tu prends, Vaughn ? »
La propriétaire des lieux, lorsqu’elle eut ramassé la commande de l’Américain, les laissa à leur discussion. Llewyn se dévissa le cou à la suivre des yeux quelques secondes avant de reporter son attention sur son interlocuteur pour railler :
« Ça t’allait tellement bien ! »
Une défense bancale, certes, qu’elle accompagna toutefois d’un sourire de diable innocent. Elle aurait pu signaler au brun qu’il avait l’air fin, les joues rougies sous les baisers de Betty, mais la perspective de le laisser s’en rendre compte à la fin de leur soirée l’avait trop enchantée.