Elle trouva pourtant son interlocuteur à sa place : perdu dans le fil de ses pensées, les mains dans les poches de son blouson, à tourner comme un lion en cage devant les voitures bien rangées. Llewyn s’immobilisa à un pas de lui, l’imitant en enfonçant ses poings tatoués dans sa veste, ses doigts dextres frôlant l’arceau du porte-clés qui tenait le précieux passe de sa voiture.
« Merci mais je l’aurais fait. Betty ne me laissera plus jamais entrer, et je t’en dois une maintenant. - Je t’avais dit que je t’invitais, se défendit-elle en haussant les épaules. »
S’il avait été le premier à proposer un verre, c’était bien parce qu’il avait choisi de garder le secret de sa folie vengeresse pour lui qu’elle avait relancé l’idée. En annonçant d’office, par ailleurs, qu’elle soulagerait un peu son porte-feuilles pour le remercier de tant de galanterie. Llewyn, en cela, n’avait qu’une parole. Vaughn s'en rendrait peut-être compte un jour ou l’autre : il était difficile de lui payer quoi que ce soit sans user de moyens détournés. Ce vieux réflexe viscéral était gravé dans les os de l’Irlandaise depuis trop longtemps ; gamine déjà, quand bien même elle en avait besoin, sa fierté de petite adulte l’empêchait d’accepter qu’on lui offre quoi que ce soit sans qu’elle ait fourni le moindre effort pour l’obtenir. Et puisque lever son coude aujourd’hui n’était pas plus épuisant que respirer, il fallait la contraindre pour qu’elle se laisse payer la moindre goutte d’alcool.
À charge de revanche ! en tous cas. Elle se consolait ainsi, se disant que tout espoir n’était pas perdu. Qu'il ne lui en voulait finalement pas tant. Un souffle de satisfaction ébroua le cœur de l’expatriée qui réprima un sourire.
« Alors, c’est laquelle ta Batmobile ? »
Un frisson électrique parcourut son bras quand l’épaule de Vaughn s’y pressa imperceptiblement. Il fit un pas de côté, le gravier grinça sous les semelles de ses chaussures. Ses traits devinrent plus graves, à croire que le sérieux revenait dès lors qu’on causait mécanique.
Llewyn, qui s’était tendue sous le contact pourtant bref du quadragénaire, se désaxa légèrement, penchant un peu vers l'homme qui lui semblait déjà trop loin. Elle jeta un coup d’œil par dessus son épaule pour s’agacer de la vision d’un couple en proie aux douleurs d’une séparation qui ne durerait certainement pas plus de deux jours. La rouquine roula ses orbes clairs avant de reporter son attention sur le nez des différentes voitures qui leur faisaient face. Elle releva le raclement de gorge de son adversaire comme un signe de dépit plus que de jalousie face à tant d’émoi. Eux ne se seraient certainement pas quittés si vite s’il avait obtenu gain de cause, un peu plus tôt.
Doucement, sans sortir les mains de ses poches, elle tâtonna la clé de la Honda, la pulpe de ses doigts roulant sur les reliefs des différents boutons permettant d’interagir avec la voiture. Lorsqu’elle trouva le cadenas déverrouillé, elle pressa le caoutchouc qui envoya une décharge invisible au véhicule. La Civic s’éveilla, ses miroirs s’ouvrant, ses yeux lumineux papillonnant doucement alors qu’ils s’éclairaient par à-coups.
Llewyn siffla entre ses dents, ses traits tirés dans une mimique faussement embarrassée, consciente du manque cruel de charisme d’une telle auto quand elle l’avait clairement habitué à mieux avec la Norton.
Elle se plaça face au motard pour demander :
« Pas trop déçu ? »
La proximité presque bornée entre leurs corps lui rappela la chaleur qui l’avait envahie quelques minutes auparavant. Trop têtue pour reculer, trop fière pour réduire davantage la distance au risque de se brûler, Llewyn se contenta de rester plantée là, ses yeux plantés dans ceux de son adversaire. Il n’en fallut pas plus à son palpitant pour se rappeler à elle, et il accéléra considérablement, battant tant sa poitrine qu’elle craignit que Vaughn l’entende d’où il se trouvait. Finalement, ses prunelles claires dérivèrent sur les poches de l’homme dont l’accès se trouvait barré par ses poings. Sur les biens qu’elles renfermaient jalousement, surtout. Peu gênée par ces obstacles facilement contournables, Llewyn sortit les mains de son blouson pour glisser ses doigts contre ceux du brun. Sans s’attarder davantage, sans appuyer encore le contact de leur peau, elle le détroussa éhontément du paquet de cigarettes et du briquet qu’elle lui avait confiés, les faisant disparaître dans les gueules de cuir qui crevaient sa veste de part et d’autre de son ventre.
« Bonne soirée, chantonna-t-elle dans un murmure en relevant un regard mutin vers son interlocuteur. »
Elle fit un pas en arrière, puis un autre, s’arrachant à l’aura magnétique du Son quand son corps réclamait encore sa présence. Quand son esprit entier plongeait dans les images délicieuses d’un futur proche qu’on avortait douloureusement. Llewyn fit volte-face pour filer doucement jusqu’à sa voiture et s’en aller avant de changer d’avis.
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❝Vaughn I. Dixon❞
Messages : 264 Date d'inscription : 27/12/2019 Faceclaim : Jeffrey Dean Morgan Copyright : Chouu' Âge : 42 Aka : Ike Côté ♥ : Veuf Métier : Enquêteur privé Gang : Sons of Anarchy
Elle l'a dit, certes, qu'elle invitait. Je n'en ai pas tenu compte, sur le principe c'est l'homme qui paye je m'y suis toujours fait - et nombreuses sont celles qui abusent de la galanterie devenue mauvaise manie. Qu'importe les autres, j'aurai préféré payer les consommations de Llewyn. Surtout que l'échange cesse prématurément à cause de mon inexplicable attitude. Pas que je sois d'ordinaire moins entreprenant, mais avec l'irlandaise, je n'avais pas l'intention d'être le goujat habituel.
Pendant que les amoureux transis se séparent pour mon plus grand soulagement, la jeune femme déverrouille sa voiture à distance. Je ne pouffe pas, mais continue de sourire. Je n'aurai pas parié sur ce véhicule mais je crains n'avoir plus beaucoup d'objectivité concernant ma rousse-filante.
« Pas trop déçu ? »
En réalité, ce véhicule ou un autre, je m'en carre. La vraie déception c'est que cette Honda est en état de marche : elle va me l'enlever.
" Non, t'as une trop belle moto pour que je prenne la peine de juger la voiture. "
En voilà un sujet percutant. Passionnant. Un point commun que j'ai trop vite oublié. J'espère vainement avoir rallumé la maigre flamme d'intérêt dans ses yeux clairs mais lorsqu'ils dévient jusqu'à mes poches, c'est la preuve de ma totale défaite.
Avant que je puisse libérer ma main et lui rendre ses effets, Llewyn vient se servir sans gêne en posant ses orbes fières sur mon visage perplexe. Pour une femme qui a mal pris la proximité plus tôt... A moins de n'avoir rien compris à sa réaction. Inutile de plonger dans les méandres de ces interrogations, je me contente de laisser sa silhouette s'éloigner, emportant avec elle parfum, couleur, envies et paradoxes.
« Bonne soirée, »
" ... Toi aussi. "
Sais-tu que ma soirée fut agréable ? J'ai même apprécié les contrariétés Jusqu'à ce moment détestable, Où tu me laisses méditer.
(c) ANAPHORE
"Revenge" sounds so mean, I prefer to call it "returning the favor". | Vaughn
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